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APPENDICE.

tout ainsi qu’en usent les courtisanes, et femmes qui aiment plus la chair que l’esprit, voyant encore la jeunesse y aller capituler des transactions et complots de leurs alliances, elle perdit cette première opinion, connaissant la vie de plusieurs des dames voilées être plus beaucoup déréglée que les femmes de ce siècle : comme aussi nous en voyons les exemples en France, à la grande confusion des pères qui vont (ainsi guidés d’avarice) perdre à leur escient leurs filles. Cette amoureuse donc se voyant en lieu où l’amour était demené plus avant que des yeux, et ayant familiarité avec plusieurs religieuses, sans en trouver une qui n’eût un serviteur, les estimait cent fois plus heureuses, que celles qui vivaient au monde, et que ces femmes étant ainsi séquestrées, s’exemptent aussi de la captivité d’un mari, et de la garde fâcheuse que les parents mettent sur les filles. Or, entre toute la jeunesse qu’elle vit aller au monastère, elle y reconnut son Lactance, lequel s’alliait de sa maîtresse par alliance spirituelle, à cause que la cousine de cette fille était celle qui faisait le petit meuble de linge de son ami. Elle épia finement tout ce qui se faisait, étant ordinairement aux écoutes, mais elle vit que tout allait bien, et que sa cousine ne courait point sur ses terres, mais que Lactance l’aimait honnêtement pour en tirer autre service ; aussi lui contait-il toutes ses déconvenues, ainsi qu’un jour il se doutait d’avoir perdu un garçon de Pérouse, le plus gentil qu’il était possible de voir, et s’en montrait si fâché que presque il en pleurait de tristesse. La folle amante oyant ceci, et comme il souhaitait d’en trouver un semblable, se mit en tête de changer l’habit, et sous le masque d’un homme aller servir celui par qui elle avait été honorée et servie. Et ne sachant où recouvrer habillement d’homme, s’avisa que son père avait prié sa nourrice de la visiter, et quelquefois la conduire