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APPENDICE.

que l’ayant fait secrétaire de son cœur, il ne pouvait rien sans son secours. Il s’enquiert à chacun, donnant les enseignes et de sa beauté, et de son habillement, si bien qu’enfin on lui dit qu’on l’avait vu entrer chez cette nourrice : le jeune homme s’en y va et heurte à la porte : elle le voyant fut ébahie, se doutant de ce qui était, toutefois descend-elle en bas pour entendre ce que Lactance voulait dire : lequel la pria lui faire tant de bien que de lui dire nouvelles d’un sien page qu’on lui avait dit être venu en sa maison, qu’elle ne celât point, d’autant qu’il ne lui ferait tort, ni offense quelconque, et si le garçon n’était content de lui, et ne voulait plus le servir, que pour cela il ne lui ferait pire visage, seulement voulait lui parler pour un sien affaire d’importance, qu’il lui avait donné en charge afin d’en savoir la résolution. La vieille souriant lui nia avoir vu page aucun en sa maison :

— Mais, dit-elle, vous voyant ainsi soupirer, on dirait que vous seriez amoureux de celui que vous cherchez, mais ayant su l’amitié ardente et excessive que vous portiez à une certaine fille, je change d’avis, et n’estime point que soyez devenu autre que l’affectionné serviteur des dames : aussi n’ignore pas à qui est-ce que s’adressent vos dévotions, mais elle est si éprise ailleurs que vous perdez peine de vous y amuser. Et par ainsi il vous vaudrait mieux rechercher vos amours premières, et plus belles et plus loyales, et où vous êtes le bien-aimé, que suivre celle qui ne tient compte de vous. Nicole vous honore et prise plus que sa vie, et vous la méprisez ; Catelle vous hait à mort, et en a choisi un autre pour ami, et cependant vous en êtes idolâtre, je n’ai affaire de vous solliciter davantage de votre profit, faites en ainsi que bon vous semblera, mais je m’assure qu’avant que soit longtemps, vous connaîtrez que je dis vrai, et vous