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LES FARCES.

nance qu’il était presque impossible de les discerner[1]. » Ambrogio parvint à s’évader. Paolo, capturé par un Allemand, fut emmené à Naples, et l’on n’en eut plus de nouvelles. Nicuola, prise par deux Espagnols, fut rachetée par son père, qui se retira avec elle dans sa ville natale. Là, la jeune fille s’éprit d’un jeune homme, Lattanzio Puccini, qui sembla répondre à sa passion et lui promit secrètement de l’épouser. La correspondance, établie entre les amants par l’entremise d’une nourrice, suivait doucement son cours, quand soudain Ambrogio, appelé à Rome par ses affaires, emmena sa fille. Les absents ont rarement raison. À peine Nicuola avait-elle disparu que Lattanzio se prit de caprice pour une autre donzelle, la coquette Catella Lanzetti. Et, au bout de six mois, quand Nicuola revint, elle reconnut avec désespoir qu’elle était trahie. Rien ne put ramener l’inconstant. En vain Nicuola lui adressa-t-elle les suppliques les plus touchantes ; en vain lui dit-elle dans une pathétique élégie :

Faut-il que de toi me plaigne,
Et que la terre je baigne
Comme un arrosoir de pleurs ?
Et que, cruel, tu te ries
De mes grands mélancolies,
De mes ennuis et douleurs ?

Lattanzio resta inflexible et continua, le cruel, à faire sa cour à Catella. Cependant le bonhomme Ambrogio dut faire un second voyage à Rome ; cette fois, il laissa sa fille à Chiese, et la mit dans un couvent, — un couvent peu rigide où les jeunes laïques étaient admis à visiter les religieuses. Un jour Lattanzio étant venu au cloître voir une cousine de Catella, Nicuola, qui s’était

  1. Traduction de Belleforest. Voir cette nouvelle à l’Appendice.