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LES FARCES.

nom. En s’entendant accuser de cruauté, le jeune homme se doute d’un quiproquo ; mais, comme la méprise lui semble douce, il se garde bien de détromper son interlocutrice, tout prêt qu’il est à réparer les torts qui lui sont si tendrement reprochés. Enchantée de ce retour inespéré, Julina se dépêche de prendre l’ex-cruel au mot et l’emmène chez elle. On soupe, on se couche… L’aube venue, Silvio craint que la méprise dont il a si largement profité ne soit découverte, et qu’il ne lui advienne quelque mésaventure ; il se hâte de dire adieu à sa maîtresse, en lui promettant bien fort de l’épouser, puis quitte Constantinople et disparaît. Cependant l’accueil si bienveillant que Julina a fait à Silvio devient la fable de toute la ville. Le duc en est informé, s’imagine que son page l’a trahi, et, furieux, le fait jeter en prison. Le temps se passe, les jours, les mois s’écoulent, et Julina ne voit pas revenir Silvio. Elle apprend enfin que le page est incarcéré, et court chez le duc pour implorer sa délivrance. À sa prière, Apollonius fait sortir du cachot l’infortunée Silla. Ici à lieu une explication pathétique. Julina réclame du prétendu Silvio l’exécution de l’engagement sacré qu’il a pris envers elle. Silla jure, par tous les dieux, n’avoir pris aucun engagement. Julina lui reproche d’aggraver un manque de foi par un parjure. Silla proteste toujours. Alors, la rougeur au front, Julina confesse sa faute nocturne et déclare que le page l’a rendue mère. Impossible ! s’écrie Silla. Et prenant à part Julina, elle défait son pourpoint et donne à son accusatrice stupéfaite la preuve éclatante de son innocence et de sa blancheur. Dès lors Silla n’a plus rien à cacher : elle confesse qui elle est, qui elle aime, et ce qu’elle a fait pour être aimée. Le duc Apollonius, gagné enfin par cette passion extraordinaire, témoigne sa reconnaissance en priant son ci-devant page de vouloir bien être sa du-