Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 1.djvu/124

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SPEED. — Oui, Monsieur. Moi, mouton tondu, je lui ai donné votre lettre à elle, brebis en dentelles; et elle, brebis en dentelles, ne m'a rien donné pour ma peine, à moi mouton tondu.

PROTÉE. — Ah! que de moutons! je crains que le pâturage ne soit trop petit pour eux.

SPEED. — Si le terrain est trop encombré, vous ne feriez pas mal de la mettre à la longe.

PROTÉE. — Non, en cela tu te trompes, c'est toi qu'on devrait mettre à la chaîne.

SPEED. — Une chaîne! Ah! Monsieur, un moindre bijou sera une récompense suffisante pour le port de votre lettre.

PROTÉE. — Tu t'abuses, j'entends par chaîne une attache.

SPEED. — Une corde alors, déroulez-la et déroulez-la encore, elle sera trois fois trop courte pour mesurer les pas qu'il m'a fallu faire vers votre maîtresse avec votre lettre.

PROTÉE. — Mais qu'a-t-elle dit? (Speed fait un signe de tête.) A-t-elle fait signe ainsi?

SPEED. — Ouais.

PROTÉE. — Cygne, oie! quoi, tout cela fait une bête.

SPEED. — Vous vous trompez, Monsieur; je dis qu'elle a fait signe ; vous me demandez si elle a fait signe, et je vous réponds ouais.

PROTÉE. — Et tout cela mis ensemble fait une bête.

SPEED. — Eh bien, puisque vous avez pris la peine de mettre tout cela ensemble, gardez-le pour votre peine.

PROTÉE. — Non, non, cela vous servira de récompense pour avoir porté ma lettre.

SPEED. — Fort bien, je vois qu'il faut que j'en empoche avec vous.

PROTÉE. —Quoi, Monsieur? qu'est-ce qu'il faut que vous empochiez?

SPEED. — Parbleu, Monsieur, des lettres, puisque je n'ai rien que celles du mot de bête pour ma peine.

PROTÉE. — Malepeste ! comme vous avez l'esprit vif!

SPEED. — Et cependant tout vif qu'il est il ne peut parvenir à attraper à la course votre lambine de bourse.