Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 1.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

PROTÉE. — Allons, allons; parle vite et nettement. Qu'a-t-elle dit?

SPEED. — Ouvrez votre bourse, afin que l'argent et le message soient remis en même temps.

PROTÉE. — Bien, Monsieur : voici pour votre peine. (Il lui donne de l'argent.) Qu'a-t-elle dit?

SPEED. — Vraiment, Monsieur, je crois que vous la gagnerez difficilement.

PROTÉE. — Quoi ! t'en a-t-elle autant laissé voir ?

SPEED. — Monsieur, elle ne m'a rien laissé voir, rien du tout. pas même un ducat pour lui avoir remis votre lettre ; et puisqu'elle a été si dure pour moi lorsque je lui portais votre âme, je crains fort qu'elle ne vous montre la même dureté lorsque vous la lui ouvrirez. Ne lui donnez pas d'autres gages que des pierres, car elle est aussi dure que l'acier.

PROTÉE. — Quoi ! elle n'a rien dit?

SPEED. — Rien, pas même : Prenez ceci pour votre peine. — Pour me témoigner votre bonté, — grâces vous en soient rendues — vous m'avez donné six deniers, en retour desquels je vous engage à porter désormais vos lettres vous-même, et là-dessus, Monsieur, je vais aller vous recommander au souvenir de mon maître.

PROTÉE. — File, file, va-t'en préserver du naufrage votre vaisseau, qui ne peut sombrer tant qu'il t'aura à bord, car une mort plus sèche t'est réservée à terre. (Speed sort.) Je vais me procurer un meilleur messager ; je crains que ma Julia ne dédaigne mes lettres, les recevant d'un aussi méprisable courrier. (Il sort.)

SCENE II
Vérone, Le jardin de la maison de Julia.
Entrent JULIA et LUCETTA.

JULIA. — Mais, dis-moi, Lucetta, maintenant que nous sommes seules, me conseillerais-tu de tomber amoureuse ?