Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 1.djvu/130

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que ta blessure soit entièrement guérie, et je sonde ainsi sa profondeur avec un baiser de souveraine affection. Deux fois, trois fois, ce nom de Protée se trouve écrit ; soyez calmes, bons vents, n'emportez pas un seul mot jusqu'à ce que j'aie retrouvé chaque lettre de cette lettre, excepté celles qui forment mon propre nom ; pour celles-là, qu'un tourbillon les emporte sur le sommet effrayant d'un roc escarpé et sauvage, et de là les précipite dans la mer en courroux. Las! voici dans une seule ligne son nom deux fois écrit : « Protée le pauvre délaissé, Protée le passionné à la douce Julia. » Ces derniers mots, je vais les déchirer ; et cependant je n'en ferai rien , puisque si gentiment il les a accouplés aux expressions gémissantes qui accompagnent son nom. Je vais unir ainsi nos deux noms l'un contre l'autre; bien, maintenant embrassez-vous, enlacez-vous, disputez-vous, faites tout ce que vous voudrez. (Rentre Lucetta.)

LUCETTA. — Madame, le dtner est servi et votre père attend.

JULIA. — Bien, partons.

LUCETTA. — Quoi? est-ce que nous allons laisser là ces morceaux de papier pour faire des cancans à tout venant?

JULIA. — S'ils vous inspirent tant de sollicitude, le mieux est de les relever.

LUCETTA. — J'ai été déjà relevée moi-même pour les avoir laissés tomber; cependant, je ne veux pas les laisser là exposés à prendre froid.

JULIA. — Je vois que vous avez pour ces pauvres restes une piété de bout de mois.

LUCETTA. — Bien, bien, Madame, dites ce qu'il vous semble voir; moi aussi je vois ce que je vois, quoique vous imaginiez que je suis myope.

JULIA. — Allons, allons, vous plairait-il de me suivre ?

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