Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 1.djvu/183

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170 LES GENTILSHOMMES DE VERONE.

Rentre PROTÉE suivi de JULL4.

PROTÉE. — Sébastien est ton nom ? Tu me plais beaucoup, et je vais immédiatement t’employer à quelque service.

JULIA. — À ce qu’il vous plaira, je ferai ce que je pourrai.

PROTÉE. — Je l’espère. (À Lance.) Ah çà ! manant, fils de catin, où êtes-vous donc allé flâner ces deux derniers jours ?

LANCE. — Parbleu, Monsieur, j’ai mené à Madame Silvia le chien que vous m’aviez ordonné de lui conduire.

PROTÉE.—Et qu’a-t-elle dit de mon petit bijou ?

LANCE. — Parbleu, elle a dit que votre chien était un mâtin, et vous fait répondre que des jappements sont des remercîments assez bons pour un pareil cadeau.

PROTÉE. — Mais elle a reçu mon chien.

LANCE. — Non, en vérité, elle ne l’a pas reçu ; le voici, que j’ai ramené.

PROTÉE. — Comment donc, est-ce que c’est celui-là que tu lui as offert de ma part ?

LANCE. — Oui, Monsieur ; l’autre mignon écureuil m’a été volé par les garçons du bourreau, sur la place du Marché, et alors je lui ai offert mon propre chien qui est aussi gros que dix des vôtres et qui est en conséquence un cadeau dix fois aussi considérable.

PROTÉE. — Tire-toi d’ici et retrouve mon chien, ou ne te représente jamais plus devant mes yeux. Va-t’en, te dis-je ! Est-ce que tu restes là pour me vexer ? (Lance sort.) Un manant qui, à chaque instant, m’est une occasion de honte ! Sébastien, je t’ai pris à mes gages, en partie parce que j’ai besoin d’un jeune homme tel que toi, capable de faire mon service avec quelque discrétion, car il n’y a pas à se fier à un rustre pareil, mais surtout à cause de ta figure et de tes manières qui, si ma pénétration ne me trompe pas, sont des témoignages de bonne éducation, de bonne étoile et de loyal caractère ; sache-le,