Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 1.djvu/195

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182 LES GENTILSHOMMES DE VÉRONE.

JCLIA.— Le voici ; c’est celui-là. (Elle lui remet un anneau !)

PROTÉE. — Que veut dire cela ? Voyons ! Mais c’est l’anneau que j’avais donné à Julia.

JULIA. — Oh ! je vous demande pardon, Monsieur, je me suis trompé ; voici l’anneau.que vous aviez envoyé à Silvia. (Elle lui montre un autre anneau !)

PROTÉE.— Mais comment cet anneau est-il en ta possession ? À mon départ.je l’avais donné à Julia.

JULIA. — Et Julia elle-même me l’a donné, et c’est Julia elle-même qui l’a porté ici.

PROTÉE. — Comment ! Julia !

JULIA. — Contemple celle qui servit de but à tous les traits de tes serments, ces serments, elle les reçut dans son cœur où ils s’enfoncèrent profondément ; combien de fois par tes parjures ne les en as-tu pas déracinés ? O Protée, que. cet habit te fasse rougir ! Sois honteux qu’il m’ait fallu revêtir un accoutrement aussi immodeste. si pourtant il peut y avoir de la honte dans un déguisement qu’inspire l’amour. Aux yeux de la pudeur la tache, est moindre aux. femmes de changer de vêtements, qu’aux hommes dé changer d’affections.

PROTÉE. — Qu’aux hommes de changer d’affections, c’est vrai. O ciel ! si l’homme était seulement constant, il serait parfait. Cette unique erreur le remplit de fautes, lui fait parcourir tous les péchés. L’inconstance perd avant même d’avoir gagné. Qu’y a-t-il dans le visage de Silvia que je ne puisse découvrir plus gracieux dans le visage de Julia avec l’œil de la constance ?

VALENTIN. — Allons, allons, donnez-moi chacun une main ! Accordez-moi la joie que cette heureuse étreinte soit mon ouvrage. Il serait dommage que deux tels amis fussent plus longtemps ennemis.

PROTÉE. — Soyez témoin, ô ciel, que mon vœu est pour jamais exaucé.

JULIA. — Et le mien aussi.