24 COMME IL VOUS PLAIRA.
LE DUC FRÉDÉRIC — Faites cela, je vais m’éloigner. (Le duc s’écarte.)
LEBEAU. — Monsieur le porteur de défis, les princesses vous appellent.
ORLANDO.— Je mets à leurs pieds tout mon respect et — tous mes devoirs.
ROSALINDE. — Jeune homme, avez-vous provoqu Charles le lutteur ?
ORLANDO. — Non, belle princesse ; c’est lui qui est le provocateur général. Je suis venu, comme les autres, tout simplement pour essayer contre lui la force de ma "jeunesse.
CÉLIA. — Mon jeune Monsieur, vos années ne s’accordent pas avec votre courage. Vous avez eu sous les yeux des preuves cruelles de la force de cet homme : si vous vous voyiez avec vos propres 3reux ou si vous vous jugiez avec votre propre-raison, la crainte des périls que vous courrez vous conseillerait une entreprise plus égale à vos forces. Nous vous prions, pour l’amour de vous, de songer à votre propre sécurité et d’abandonner cette tentative.
ROSALINDE. — Faites cela, mon jeune Monsieur ; votre réputation n’en souffrira aucunement. Nous allons solliciter auprès du duc pour que la lutte n’aille pas plus loin.
ORLANDO. — Je vous supplie de ne pas m’infliger le châtiment d’une opinion défavorable, bien que je sois obligé de confesser que.je suis très-coupable en refusant quelque chose à de si belles et de si excellentes dames. Mais que vos beaux yeux et vos aimables souhaits me suivent dans l’épreuve que je tente ; si j’en sors battu, il n’y aura d’humilié qu’un être qui ne fut jamais caressé de la fortune ; si je suis tué, il n’y aura de mort que quelqu’un qui désire mourir ; je ne ferai aucun tort à ■ mes amis, car je n’en laisserai aucun pour nie pleurer ; je ne ferai au monde aucun préjudice, car je n’y possède rien ; je tiens seulement dans le monde une place qui sera mieux remplie quand je l’aurai laissée vacante.
ROSALINDE. — Je voudrais que le peu de force que je possède fût en vous.
