Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 3.djvu/387

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Olivia. — Que pensez-vous de ce fou, Malvolio ? Ne trouvez-vous pas qu’il s’amende ?

Malvolio, — Oui, et il continuera toujours ainsi jusqu’à ce qu’il soit secoué par les angoisses de la mort : les infirmités qui font déchoir les sages, ne font que perfectionner les fous.

Le Bouffon. — Alors puisse le ciel vous envoyer bien vite une infirmité, pour perfectionner votre folie, Monsieur ! Messire Tobie jurerait bien, que je ne suis pas un renard, mais il n’engagerait pas sa parole contre deux sous que vous n’êtes pas un fou.

Olivia. — Que répondez-vous à cela, Malvolio ?

Malvolio. — Je m’étonne que votre seigneurie puisse s’amuser de ce drôle à cerveau vide ; je l’ai vu battre l’autre jour par un fou très ordinaire qui n’a pas plus de cervelle qu’une pierre. Remarquez bien, le voilà déjà hors de combat ; à moins que vous ne riiez et que vous ne lui prépariez les occasions, il reste bouche baillonnée. Je déclare que je considère les hommes sensés que ces espèces de bouffons peuvent désopiler, comme de purs singes de ces même bouffons.

Olivia. — Oh ! vous êtes malade d’amour-propre, Malvolio, et vous goûtez les choses avec un appétit mal disposé. Les gens généreux, candides, et de libre humeur prennent pour des flèches sans portée ni pointe ces mêmes choses qui vous font l’effet de boulets de canon : il n’y a pas de médisance chez un bouffon dont on a autorisé la liberté de langage, bien qu’il ne fasse rien que railler, et il n’y a pas de raillerie chez un homme dont la discrétion est connue quoiqu’il ne fasse rien que critiquer.

Le Bouffon. — Puisse Mercure te doter du don de mensonge, car tu parles bien des fous !

Rentre MARIA.

Maria. — Madame, il y a à la porte un jeune gentilhomme qui désire beaucoup vous parler.

Olivia. — Vient-il de la part du duc Orsino ?