Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 3.djvu/409

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de ses jours ; elle languit, intérieurement rongée par ses pensées, et le visage blême et jaune de mélancolie, souriant à sa douleur, elle se tint muette, pareille à une statue de la Résignation sur un tombeau. N’était-ce pas de l’amour, dites-moi ? Nous hommes, nous pouvons parler davantage, jurer davantage ; mais en vérité nos démonstrations dépassent de beaucoup nos réels sentiments ; car nous nous montrons toujours prodigues en serments, mais avares en amour.

Le Duc. — Mais ta sœur mourut-elle de son amour, mon enfant ?

Viola. — Je suis toutes les filles de la maison de mon père et tous les garçons aussi ; — et cependant je ne sais pas. Monseigneur, irai-je trouver cette dame.

Le Duc. — Oui, c’est ce que je demande. Va la trouver en toute hâte ; donne-lui ce bijou ; dis-lui que mon amour ne peut céder la place ni accepter un refus. (Ils sortent.)


Scène V

Le jardin d’Olivia.
Entrent Messire TOBIE BELCH, Messire ANDRÉ AGUECHEEK et FABIEN.

Messire Tobie. — Viens ici, signor Fabien.

Fabien. — Certes, j’y viendrai ; si je perds un brin de toute cette farce, je veux bien bouillir à mort de mélancolie.

Messire Tobie. — Ne serais tu pas bien aise de voir couvrir de honte cette canaille de chipeur et de grippe-sou.

Fabien. — J’en serais transporté de joie, brave homme : vous savez qu’il m’a fait perdre la faveur de Madame à propos d’un combat d’ours.

Messire Tobie. — Nous retrouverons l’ours, en le faisant mettre en colère ; nous allons nous moquer de lui à le rendre noir et bleu : n’est-ce pas, Messire André ?

Messire André. — Si nous ne le faisons pas, c’est pitié de nous.