Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1870, tome 7.djvu/430

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Est-ce qu’on me sollicite de parler et de frapper ? Ô Rome, je te fais promesse que si le redressement de tes griefs doit s’ensuivre, tu recevras de la main de Brutus l’entier accomplissement de ta pétition !


Rentre LUCIUS.

Lucius. — Seigneur, quatorze jours de Mars se sont écoulés. (On frappe à l’extérieur.)

Brutus. — C’est bon. Va voir à la porte ; quelqu’un frappe. (Sort Lucius.) Depuis que Cassius m’a pour la première fois aiguisé contre César, je n’ai pas dormi. Tout l’intervalle qui s’écoule entre la première suggestion d’une chose terrible et son exécution, est comme une fantasmagorie ou un rêve hideux : l’âme et les organes mortels sont alors en conseil, et pareil à un petit royaume, l’homme est en proie à un état d’insurrection.


Rentre LUCIUS.

Lucius. — Seigneur, c’est votre beau-frère Cassius qui est à la porte ; il désire vous parler2.

Brutus. — Est-il seul ?

Lucius. — Non, Seigneur, il y a d’autres personnes avec lui.

Brutus. — Les connais-tu ?

Lucius. — Non, Seigneur ; leurs chapeaux sont enfoncés sur leurs oreilles, et ils ont leurs visages à moitié ensevelis dans leurs manteaux, en sorte que je ne puis aucunement découvrir quels ils sont par aucun de leurs traits.

Brutus. — Fais-les entrer. (Sort Lucius.) C’est la faction. Ô conspiration ! est-ce donc que tu as honte de montrer ton front dangereux pendant la nuit, à l’heure même où les mauvaises choses sont le plus en liberté ? Oh, dans ce cas, où trouveras-tu pendant le jour une caverne assez ténébreuse jour masquer ton monstrueux visage ? N’en cherche pas, conspiration, cache-toi sous les sourires et la politesse ; car si tu te présentais avec ta physionomie naturelle, l’Érèbe lui-même ne serait pas assez ténébreux pour t’empêcher d’être reconnue.