Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1870, tome 7.djvu/471

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fermant ainsi la main ? J’aimerais mieux être un chien et aboyer à la lune que d’être un pareil Romain.

Cassius. — Brutus, n’aboyez pas après moi, je ne le souffrirai pas : vous vous oubliez vous-même en voulant me tracer des limites. Je suis un soldat, moi ; je suis plus vieux que vous dans la pratique, plus capable que vous ne l’êtes de décider quelles sont les conditions à faire.

Brutus. — Allez donc ; vous n’êtes rien de pareil, Cassius.

Cassius. — Je le suis.

Brutus. — Je dis que vous ne l’êtes pas.

Cassius. — Ne me poussez pas davantage, je finirai par m’oublier : pensez un peu à votre sûreté, ne me tentez pas.

Brutus. — Arrière, homme méprisable !

Cassius. — Est-ce possible ?

Brutus. — Écoutez-moi, car je parlerai. Dois-je céder place et terrain à votre colère téméraire ? Est-ce que je vais être effrayé parce qu’un fou me menace les yeux hors de la tête ?

Cassius. — Ô Dieux, ô Dieux, faut-il que j’endure tout cela ?

Brutus. — Tout cela ! oui, et plus encore : agitez-vous jusqu’à ce que votre cœur orgueilleux crève ; allez montrer à vos esclaves combien vous êtes emporté, et faites trembler vos serviteurs. Croyez-vous que je vais vous céder la place ? Faut-il par hasard que je vous fasse patte de velours ? Faut-il que je me taise et que je rampe sous votre mauvaise humeur ? Par les Dieux, vous avalerez le venin de votre rage, dussiez-vous en éclater ! et sur ma foi, à partir de ce jour, lorsque vous serez dans ces fureurs de guêpe, je me servirai de vous comme d’objet de gaieté ; oui vraiment, vous servirez à me faire rire.

Cassius. — Les choses en sont-elles venues là ?

Brutus. — Vous dites que vous êtes un meilleur soldat que moi ; faites-le voir, prouvez la vérité de votre fanfaronnade, cela me fera grand plaisir ; pour ma part,