Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1870, tome 7.djvu/485

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est la dernière que nous aurons ensemble : en ce cas, qu’êtes-vous décidé à faire ?

Brutus. — Je suis décidé à me conduire d’après les règles de cette philosophie qui me firent blâmer Caton pour la mort qu’il se donna à lui-même. Je ne sais pourquoi, mais il me semble qu’il est lâche et vil, d’abréger le temps de la vie par crainte de ce qui peut arriver : m’armant donc de patience, je me confierai à la providence des puissances suprêmes qui nous gouvernent ici-bas.

Cassius. — Alors, si nous perdons cette bataille, vous vous résignerez à être conduit en triomphe à travers les rues de Rome ?

Brutus. — Non, Cassius, non : ne crois pas, noble Romain, que Brutus paraisse jamais enchaîné dans Rome ; il porte pour cela une âme trop grande. Mais ce jour-ci doit terminer l’œuvre commencée aux Ides de Mars, et je ne sais si nous nous rencontrerons encore. Ainsi faisons-nous notre dernier adieu : pour toujours, et pour toujours, adieu, Cassius ! Si nous nous retrouvons encore, nous sourirons ; sinon, eh bien, nous aurons eu raison de prendre congé l’un de l’autre.

Cassius. — Pour toujours, et pour toujours, adieu, Brutus ! Si nous nous rencontrons encore, nous sourirons ; sinon, il est certain que nous aurons eu raison de prendre congé l’un de l’autre.

Brutus. — Eh bien, maintenant, marchons. Ah ! que ne peut-on savoir la fin de cette journée avant qu’elle soit venue ! mais il suffit de savoir que ce jour finira, et qu’alors l’issue de cette affaire sera connue. — Holà, venez ! en avant ! (Ils sortent.)