Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/118

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qualités, fait comme on désirerait qu’un homme fût fait, il ire faut entendre : une misérable sotte pleurnicheuse, une poupée12 geignante qui fait la petite bouche devant sa fortune, me répondre « je ne veux pas me marier à je ne puis aimer » — « je suis trop jeune » — « je vous en prie, pardonnez-moi ! » — Certes, si vous ne voulez pas vous marier, je vous pardonnerai : vous irez chercher pâture où vous voudrez, vous n’habiterez pas avec moi. Réfléchissez-y, et soyez avertie, je, n’ai pas l’habitude de plaisanter. Jeudi est proche ; consultez votre cœur et prenez un parti : si vous êtes mienne, je vous donnerai à mon ami ; si vous ne.voulez pas être mienne, allez vous faire pendre, mendiez, crevez de faim, mourez dans les rues-, car sur mon âme, je ne te reconnaîtrai jamais plus, et je te réponds que rien de ce qui m’appartient ne te fera du bien. Compte là-dessus, et fais tes réflexions en conséquence ; je ne me rétracterai pas. (Il sort.)

JULIETTE. — Oh ! n’est-il pas un Dieu compatissant siégeant sur les nuages pour voir jusqu’au fond de ma douleur ? Ô ma douce mère, ne me repoussez pas ! Retardez ce mariage d’un mois, d’une semaine, ou sinon faites mon lit nuptial dans ce sombre monument où dort Tebaldo.

MADONNA CAPULET. — Ne me parle pas, car je ne dirai pas un mot : fais ce que tu voudras, car j’en ai fini avec toi. (Elle sort.)

JULIETTE. — Ô Dieu ! — Ô nourrice ! comment peut-on empêcher cela ? Mon époux est sur terre, mon serment est au ciel ; comment ce serment pourrait-il revenir-sur la terre, à moins que mon époux ne me l’envoie du ciel en quittant la terre ? — Aide-moi, conseille-moi. — Hélas ! hélas ! faut-il que le ciel soumette à ses épreuves un être aussi faible que moi ! — Que dis-tu ? n’as-tu pas une parole de joie ? Donne-moi quelque moyen de sortir d’embarras, nourrice.

LA NOURRICE. — Ma foi, voici ce qu’il faut faire. Roméo est banni, et il y a l’univers à parier contre rien, qu’il n’osera jamais venir vous réclamer ou, s’il le fait, il