Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/122

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fermée, viens pleurer avec moi : pas, d’espérance, pas de remède, pas de secours !

LE FRÈRE LAURENT. — Ah ! Juliette, je connais déjà ton chagrin, et il me tourmente à nie faire perdre la tête : j’apprends que tu dois et rien ne peut retarder Cet événement — être mariée jeudi prochain à ce comte.

JULIETTE. — Ne me dis pas, frère, que tuas appris ce malheur, si tu ne peux me dire, comment je puis le prévenir : si, dans ta sagesse, tu ne peux me donner de secours, en bien, dis-moi seulement que ma résolution est sagesse, et je vais immédiatement me donner secours avec ce couteau. Dieu a joint mon cœur à celui de Roméo ; toi tu as joint nos mains ; et avant que cette main par toi scellée à Roméo signe un autre contrat, ou que mon cœur, traîtreusement révolté, se tourne vers un autre, cette arme-là réduira main et cœur à l’impuissance, de la mort. Que ta vieille et longue expérience me donne donc quelque conseil immédiat, ou sinon, vois, ce couteau meurtrier va décider entre ma situation désespérée et moi ; il me servira d’arbitre, puisque l’autorité de tes années et de ta science n’aura pas su m’ouvrir une issue, véritablement honorable. Ne sois pas si long à parler ; je brûle de mourir, si ce que tu as à me dire ne me parle pas de remède.

LE FRÈRE LAURENT. — Arrête, ma fille : j’aperçois une sorte d’espérance qui, pour se réaliser, demande une exécution aussi désespérée qu’est désespérée l’action que ; nous voudrions prévenir. Si, plutôt que de te marier au comte Pâlis, tu as la force de volonté de te tuer loi-même, il est probable que tu auras le courage d’entreprendre, pour repousser loin de toi cette honte, une chose qui ressemble à la mort, toi qui ne crains pas d’affronter la mort pour échapper à ce que tu redoutes ; si tu as ce courage, je te donnerai un remède.

JULIETTE. — Oh ! plutôt que d’épouser Paris, ordonne-moi de sauter du haut des remparts dé la tour là-bas, ou de marcher dans les sentiers où rôdent les voleurs ; ordonne-moi de me glisser là où se tiennent les serpents ;