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ACTE V, SCÈNE III.

en propos, a fini par tirer l’épée contre lui, et alors je me suis enfui pour aller chercher la gardé.

LE PRINCE. — Cette lettre témoigne pleinement de la vérité du récit du moine ; elle raconte les péripéties de leur amour, et parle de la nouvelle de la mort de Juliette : il écrit qu’il a acheté du poison d’un pauvre apothicaire, et qu’ainsi muni, il s’est rendu à ce caveau pour mourir, et se coucher auprès de Juliette. — Où sont ces ennemis ? — Capulet ! Montaigu ! voyez quelle malédiction pèse sur votre haine, puisque le ciel a trouvé le moyen de tuer votre bonheur par l’amour même ! Et moi, pour avoir trop fermé les yeux sur vos discordes, j’ai perdu deux de mes parents : tous sont punis.

CAPULET. — Ô frère Montaigu ! donne-moi ta main ; cette étreinte est le douaire de ma fille, car je ne puis demander plus.

MONTAIGU. — Mais je puis te donner davantage : car je ferai dresser à ta fille une statue en or pur, afin que tant que Vérone sera connue sous ce nom, nulle imagé n’y soit tenue en aussi haute admiration que celle de la loyale et fidèle Juliette.

CAPULET. — Roméo sera couché près de sa Dame sous une forme aussi riche que la sienne : pauvres holocaustes de notre inimitié !

LE PRINCE. — Cette matinée apporte avec elle une paix lugubre ; le soleil, par chagrin, n’ose pas montrer sa tête. Partons d’ici pour nous entretenir plus longuement de ces tristes événements ; quelques-uns seront pardonnés et quelques autres punis5 ; car jamais il n’y eut histoire plus lamentable que celle de Juliette et de son Roméo. (Ils sortent.)