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ACTE V, SCÈNE III.

l’idéal même de la beauté. Les curieux trouveront dans les Excentriques de M. Champfleury, le cas très-curieux au point de vue psychologique d’un montreur de figures de cire qui s’éprit d’une passion saugrenue pour une de ses poupées. Cette passion devint tellement irrésistible qu’il s’enfuit en enlevant son idole, et en abandonnant à la misère sa femme légitime, qu’il avait pris d’autant plus en horreur que la pauvre diablesse s’était avisée de lui faire d’atroces scènes de jalousie. Cette Ariane délaissée ne put découvrir la retraite obscure où son imaginatif époux était allé passer avec sa poupée des jours tissus d’or et de soie. Je recommande au lecteur curieux l’histoire de cet imbécile, la plus singulière victime que l’idéal ait jamais faite. Cet Ixion d’un nouveau genre avait sur la beauté les mêmes idées que la nourrice de Juliette.

16. C’était autrefois la coutume pour les personnes qui se rendaient à un bal masqué, soit de lire en entrant une sorte d’adresse apologétique où l’on s’excusait de se présenter le visage couvert, sans se faire connaître, adresse où l’on faisait l’éloge de la beauté ou des qualités morales de la maîtresse du logis et des dames de sa société, soit de se faire précéder par un courrier costumé qui annonçait l’arrivée. Shakespeare a montré plusieurs fois cette coutume en action, dans Henri VIII, dans Timon d’Athènes, dans Peines d’amour perdues. Par l’arc de Tartare, Shakespeare entend un arc composé d’un segment de cercle, et d’une corde, ce qu’était en effet l’arc des Tartares d’autrefois. Cette forme d’are est exactement celle que l’antiquité donnait à l’arc de Cupidon.

17. Nous avons déjà dit dans une des notes jointes au Marchand de Venise, que toute troupe de masques était toujours accompagnée d’un ou de plusieurs porteurs de torches, et que cet emploi était considéré comme n’ayant aucun caractère dégradant. Steevens raconte à ce sujet que les gentilshommes pensionnaires (nous avons dit dans une de nos notes au Songe d’une nuit d’été ce qu’était cette compagnie) accompagnèrent à Cambridge la reine Élisabeth et lui tinrent les torches pendant qu’on représentait une pièce devant elle dans la chapelle du collége du roi.

18. Nous avons vu mainte fois, notamment dans Henri IV (2° partie), qu’autrefois les nattes de jonc faisaient office de tapis.

19. Dun is the mouse. Aucun commentateur n’a donné une explication satisfaisante de cette expression, et cependant, chose curieuse, ils en ont eux-mêmes découvert la clef. Cette expression se rapporte a un ancien jeu de paysans, dont Gifford dans ses notes aux Œuvres de Ben Jonson nous a donné la description. On apportait une bûche dans une grande chambre ; cette bûche représentait un cheval de charrette, et une fois qu’elle était posée au milieu de l’appartement, quelqu’un de la société s’écriait : Dun is in the mire, le cheval est embourbé. Alors les paysans se ruaient par manière de plaisanterie sur la bûche pour relever le cheval imaginaire, et ce jeu fort rustique consistait dans les efforts qu’ils semblaient faire, et dans les ruses qu’ils prenaient pour en lâcher les bouts de manière à les laisser tomber sur les doigts de pieds de leurs camarades. L’explication est, nous semble-t-il, aussi claire que le jour