Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de nos anciennes études deux fragments : l’un sur cette divination de la nature italienne, l’autre sur le caractère particulier de la passion de Roméo et de Juliette. « Roméo et Juliette, sont deux amants italiens, et ici nous avons une preuve nouvelle de l’aptitude de Shakespeare à comprendre les caractères des diverses nations. Rien de saisissant comme le contraste qui existe entre Roméo et Juliette ou Othello et les autres grandes pièces de l’auteur, Hamlet et Macbeth par exemple ; le passage d’un pays du nord à un pays du midi n’offre pas de plus grandes différences, à l’admiration. Tout a changée subitement : mœurs, langage, caractères et passions. Dans les autres pièces de Shakespeare, les personnages ; dévoilent leur caractère avec une lenteur extrême ; ce n’est que lorsque les scènes se sont entassées les unes sur les autres qu’ils sont expliqués. Leurs passions sont tout intérieures, et on dirait que ce n’est que contre leur gré qu’ils nous les révèlent ; ils les cachent et les refoulent en eux autant qu’ils peuvent ; mais la violence de ces passions, force la résistance de la volonté, leur ouvre un passage et les rejette au dehors sous la forme d’hallucinations et de visions, ils se racontent indiscrètement peu à peu, comme un somnambule ou un homme qui parle eu rêvant ; leur passion a été plus forte que leur volonté. Rien de pareil n’existe dans Roméo et Juliette. Là les passions sont tout extérieures et ne font aucun effort pour se cacher. Dès la première scène où ils apparaissent les personnages nous disent tout ce qu’ils sont. Il est impossible d’imaginer deux caractères plus simples que ceux de Roméo et de Juliette ; ce sont deux enfants du pays où tout est lumière, précision, netteté de lignes et de contours, où la vie n’a pas plus de secrets que la nature, où la nuit elle-même n’a pas d’ombre et où l’obscurité appartient à la seule mort. Dès leur premier regard les deux âmes de Roméo et de Juliette s’échappent au dehors et courent au-devant l’une de l’autre avec une véhémence