Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/41

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de Juliette, parce qu’on ne peut le soupçonner d’emprunter quelque chose à l’amitié, à l’habitude, au respect, à la reconnaissance, comme tant d’autres affections qui ne sont appelées du nom d’amour que parce qu’elles sont l’exagération charmante et violente de sentiments dans lesquels l’amour n’avait à l’origine rien à voir.

Q. — Quel est l’âge propre avant tout autre à l’amour ?

R. — L’âge de Roméo et de Juliette, parce qu’alors l’amour n’est obscurci par aucune ombre, qu’il rayonne de son propre éclat, qu’il ne redoute la rivalité d’aucune autre passion, et qu’il peut user toutes ses forces à ses propres luttes.

Q. — Quels sont les peuples les mieux faits pour l’amour ?

R. — Les peuples méridionaux et surtout les Italiens, parce qu’ils donnent à cette passion un franc et libre jeu que les autres peuples lui refusent, etc., etc. « Le mot d’idéal sur lequel les critiques ont tant disserté, n’a vraiment aucune signification lorsqu’il s’agit de Shakespeare, mais le mot d’absolu en a une très grande. Dirons-nous, par exemple, que l’amour de Roméo et de Juliette est idéal ? Mais il n’y a pas un seul des éléments de cet amour qui ne se rencontre dans la réalité la plus concrète ; et cependant la réunion de tous ces éléments, forme la perfection même de l’amour. Cette concordance parfaite de tous les éléments d’une même passion est rare sans doute, mais nous comprenons qu’elle n’est pas impossible, et dès lors où est l’idéal ? En revanche, si elle ne peut s’appeler idéale, cette passion peut à bon droit s’appeler absolue, puisqu’il n’y manque aucun des éléments qui sont nécessaires pour constituer l’amour dans son intégralité. L’amour de Roméo et de Juliette est donc mieux qu’idéal, ou plutôt il n’a pas besoin d’épithète qualifiante : il est l’amour. »