Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
65
ACTE I, SCÈNE II.

ramène avec un fil de soie, tant elle est amoureusement jalouse de sa liberté.

ROMÉO. — Je voudrais être ton oiseau.

JULIETTE. — Chéri, je le voudrais aussi : cependant, je te tuerais par trop de caresses. Ronne nuit ! bonne nuit ! la séparation est une si délicieuse douleur que je dirais bonne nuit jusqu’à demain. (Elle, se retire de la fenêtre.)

ROMÉO. — Que le sommeil descende sur tes yeux et la paix dans ton sein ! Que ne suis-je le sommeil et la paix pour goûter un si doux repos ! Je vais d’ici me rentre à la cellule de mon pieux confesseur, pour implorer son aide, et lui dire mon heureuse fortune. (Il sort.)

SCÈNE III.

La cellule du FRÈRE LAURENT.
Entre LE FRÈRE LAURENT avec un panier.

LE FRÈRE LAURENT. — Le matin aux yeux gris souriant à la nuit au front farouche raye de bandes de lumière les nuages d’orient, et les ténèbres bigarrées des couleurs de l’aurore, chancellent à reculons comme un ivrogne devant la marche du jour et les roues enflammées de Titan. Avant que le soleil ait avancé son œil brûlant pour souhaiter la bienvenue au jour et sécher l’humide rosée de la nuit, il me faut remplir cette corbeille d’osier d’herbes aux propriétés funestes et de fleurs aux sucs précieux. La terre, qui est la mère de la nature, est aussi sa tombe : ce qui est son sépulcre est aussi le ventre qui lui donne naissance ; et nous voyons, sortis de ce ventre, des enfants de genres divers sucer la vie à ses mamelles ; de ces enfants beaucoup sont renommés pour leurs vertus multiples, il n’en est aucun qui soit sans une vertu au moins, et cependant tous sont différents. Oh ! grande est la puissance qui réside dans les herbes, les plantes, les pierres, et dans leurs qualités intrinsèques ; car il n’existe, rien