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ŒUVRES EN PROSE

comprendrez, mieux que des êtres plus froids et plus réservés, la nécessité de le faire.

Je regarde d’un œil plein d’espoir et de plaisir l’état présent des choses, bien qu’à d’autres elles puissent paraître sombres et incapables d’amélioration. Je suis enchanté de voir que les hommes commencent à penser et à agir pour le bien d’autrui. Si étendu qu’ait été, en ce siècle, l’empire de la folie et de l’égoïsme, j’éprouve de l’espérance et du plaisir à voir que du moins un grand nombre d’hommes savent ce qui est honnête. L’ignorance et le vice vont ordinairement de compagnie ; celui qui veut faire le bien doit être sage ; on ne saurait être vraiment sage si l’on n’est vraiment vertueux. Prudence et sagesse sont deux choses bien différentes. L’homme prudent est celui qui pose avec soin ses propres intérêts ; l’homme sage est celui qui médite profondément sur le bien d’autrui.

Selon moi, l’Émancipation catholique et le rétablissement des libertés et du bonheur de l’Irlande, dans tout ce qui est compatible, avec la Constitution anglaise, voilà de grands, d’importants événements. J’espère les voir bientôt. Mais si tout s’arrêtait là, je n’en éprouverais que peu de plaisir, je continuerais à voir des milliers d’êtres malheureux et méchants, les choses iraient toujours mal. Je regarde donc l’accomplissement de ces deux faits comme l’acheminement vers une réforme plus grande, celle qui aura pour conséquence le triomphe de la vertu et de la sagesse sur la souffrance et le vice ; et alors on n’aura besoin pour tout gouvernement, que de l’opinion de son prochain.