Page:Siefert - Rayons perdus.djvu/18

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Non, rien : la vie en vain perdrait son aiguillon,
J’échapperais en vain au tourment qui m’accable,
Comme devant l’oiseau s’enfuit le papillon ;

Ni l’oubli, ni la paix, ni l’amour ineffable
Ne combleront ce pli fait en quelques instants.
J’aurai toujours présent ce témoin implacable.

Et, cependant, mon Dieu ! je n’ai que dix-huit ans !
Qui le croirait, à voir des larmes sur ma joue
Et cette ride au front creusée avant le temps ?

Ah ! je me ressouviens de la méchante moue
Que je faisais jadis au seul mot d’obéir.
— N’était-ce pas hier ? je m’y perds, je l’avoue.

Tout enfant, dans ce coin je venais me blottir,
À petits pas, sans bruit, serrant fort ma poupée
Contre moi ; je pensais qu’elle eût pu me trahir.

Et j’y restais longtemps toute préoccupée,
Écoutant, retenant, commentant au hasard
Tout ce dont mon oreille avait été frappée.