Page:Sienkiewicz – Hania, traduction Chirol.djvu/166

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l’amour me douait d’un sens très fin ; mais j’entendais dans la forêt environnante d’autres voix se répondre — celles de Sélim et de Hania. Ils s’appelaient par la voix de leurs cœurs ; ils s’appelaient pour ma perte, sans s’en rendre compte eux-mêmes. Une voix répondait à l’autre, comme un écho, et donnait la réplique, comme l’écho qui répercute la voix. Que pouvais-je à cela, qu’ils pouvaient nommer leur bonheur, et moi, mon malheur ? Comment m’opposer à cette loi de la nature, à cet arrangement fatal des choses ? Comment conquérir le cœur de Hania, si une force irrésistible l’entraînait violemment d’un autre côté ?

La folie du désespoir m’étreignait. Je sentais que dans ma famille, au milieu de gens qui m’étaient pourtant dévoués, j’étais complètement seul ; le monde se présentait à moi si futile et si morose, le ciel vaste si indifférent à l’injustice humaine, qu’une pensée me vint involontairement, éclipsa