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L’ÉDUCATION DE L’ŒIL

qu’il a des arcanes incommunicables. C’est une erreur : le coloris s’apprend comme la musique. De temps immémorial, les Orientaux en ont connu les lois, et ces lois se sont transmises de génération en génération depuis les commencements de l’histoire jusqu’à nous. — De même que l’on fait des musiciens, au moins corrects et habiles, en enseignant le contre-point, de même on peut former des peintres à ne pas commettre des fautes contre l’harmonie, en leur enseignant les phénomènes de la perception simultanée des couleurs.
------ « Les éléments du coloris n’ont pas été analysés et enseignés dans nos écoles, parce qu’on regarde en France comme inutile d’étudier les lois de la couleur, d’après ce faux adage qui court les bancs : « On devient dessinateur ; on naît coloriste. »
------ «… Les secrets du coloris ! Pourquoi faut-il appeler secrets, des principes que tous les artistes devraient savoir et qu’on aurait dû enseigner à tous ! »

Les Artistes de mon temps : Eugène Delacroix.

Ces lois de la couleur peuvent en quelques heures s’apprendre. Elles sont contenues dans deux pages de Chevreul et de Rood. L’œil guidé par elles n’aurait plus qu’à se perfectionner. Mais, depuis Charles Blanc, la situation n’a guère changé. On n’a rien fait pour propager cette éducation spéciale. Les disques de Chevreul, dont l’usage amusant pourrait prouver à tant d’yeux qu’ils ne voient pas et leur apprendre à voir, ne sont pas encore adoptés pour les écoles primaires, malgré tant d’efforts dans ce sens qu’a faits le grand savant.

C’est cette simple science du contraste qui forme la base solide du néo-impressionnisme. Hors d’elle, pas de très belles lignes, ni de parfaites couleurs. Si nous constatons chaque jour les services qu’elle peut rendre