Page:Silvestre - Poésies 1866-1872, 1880.djvu/193

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III



LUISANTE à l’horizon comme une lame nue,
Sur le soleil tombé la Mer, en se fermant,
De son sang lumineux éclabousse la nue,
Où des gouttes de feu perlent confusément.

Comme une foule émue après un châtiment,
Sous l’oblique rayon des étoiles sacrées,
Une procession d’ombres démesurées
Derrière les troupeaux chemine lentement.

On dirait qu’un vieil orgue aux lentes harmonies,
De l’Océan désert peuplant l’immensité,
Murmure dans la nuit de graves litanies,
Et qu’un Miserere par la vague est chanté.

Et comme au bout d’un bras un chef ensanglanté,
La Lune monte au ciel, qui, dans la nue obscure,
Semble, avec son front pâle et sa morne figure,
La tête sans cheveux du grand décapité.