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L’ÉCRIN DISPARU

du malheureux, et c’est encore lui qui a présidé à son internement.

L’entretien s’était prolongé au-delà du temps que Lédia avait indiqué au chauffeur ; celui-ci bientôt remis de son indisposition avait laissé la cuisine, attendant immobile sur son siège.

Comme Madame Giraldi faisait ses adieux, deux coups de feu, partis de la lisière du bois voisin, firent tressaillir ces dames qui jetèrent un cri de frayeur. Le chauffeur ayant quitté son siège pour aller s’enquérir de l’incident, fut suivi par Madame Giraldi qui soudain poussa cette exclamation :

— C’est vous monsieur Parizot, que je trouve ici, en costume de chasse ?

— Votre carnier est-il bien gonflé au moins ?

— Ne m’en parlez pas, reprit le chasseur improvisé : « Je viens de manquer les deux plus belles perdrix que j’ai jamais vues de ma vie. »

— Vous pouvez au moins vous vanter de nous avoir fait aussi peur qu’aux perdrix !…

Avant de tirer, le reporter, ainsi travesti, s’était attardé, soigneusement dissimulé dans le taillis, à examiner la singulière attitude du chauffeur : l’engoncement de son collet toujours relevé, sa casquette écrasée sur le front, ne laissaient qu’une vision restreinte de son profil, aux lignes aiguës. Ses mains osseuses demeuraient posées sur le volant de la machine ; il les regardait attentivement, comme s’il en eût compté toutes les phalanges.

Tout en conversant avec les dames, le reporter, d’un œil observateur et intrigué, crut voir une affectation dans la manière dont le chauffeur semblait désintéressé de ce qui se passait à quelques pas de lui. Lédia Giraldi s’en aperçut et réfutant le soupçon avant même qu’il ne fût exprimé :

— Harry, dit-elle, comprend à peine le français et ne le parle pas du tout. Ce n’est point de sa part que je redoute une indiscrétion.

Bien que Lédia parût lui porter intérêt, Parizot garda le silence, évitant de prendre part à un entretien auquel il jugeait n’assister que fortuitement ; mais par une question directe, la jeune dame l’invita à se départir de sa réserve :

N’est-ce pas Monsieur, qu’il serait cruel de dénoncer le pauvre fou de Dupras, au risque de lui faire payer de sa tête, l’aveu d’un meurtre, imaginé peut-être dans son délire ?…

Le reporter se défendit de formuler une réponse précise.