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L’ÉCRIN DISPARU

croire, car des mois se passèrent sans qu’il pût trouver quelqu’un qui lui fît confiance et s’intéressât à ses projets.

Néanmoins, en dépit des apparences et de ses échecs réitérés, il ne pouvait se résigner à désespérer. Il lui semblait se trouver devant une porte fermée, derrière laquelle brillaient la fortune, le bonheur, peut-être la gloire ; et cette confiance qui parfois semblait l’abandonner, il s’essayait à l’entretenir dans le cœur de sa chère Lucie. Mais au fond, le délai avait pour lui toute l’âpreté d’une humiliation injuste, qu’il subissait non sans de sourdes révoltes.


VII

LE FUGITIF.


Il est minuit passé ; un ciel noir et chargé de lourdes vapeurs, semble présager l’orage. Sur le chemin solitaire qui conduit de Montréal à Lachine, se profilant comme une ombre, un jeune homme, à la démarche traînante et irrégulière, avance à pas incertains. Derrière lui, de la grande Cité qu’il n’ose regarder, à peine quelques lumières étagées au flanc du Mont-Royal, piquent l’horizon au travers d’un halo brumeux.

Cette ville, qui l’a vu naître, et à laquelle il tourne le dos, le nocturne voyageur n’y veut plus rentrer ; non, il n’y rentrera jamais, car au coin d’une rue, quelqu’un le reconnaîtrait et le montrant du doigt, dirait :

« C’est celui qui a fait mourir son père ; c’est le fameux Rodolphe Raimbaud, le voleur de bagues, que la police recherche. »

Comment traversa-t-il la ville et sanglotant éperdument, se retrouva-t-il solitaire sur ce chemin au milieu de la nuit ? Il n’aurait su le dire ; car dès le moment, où, sous la malédiction de son père mourant, il franchit le seuil de la maison paternelle, il ne se rendit plus compte de ce qu’il faisait, tant il était accablé de remords et d’épouvante.

Le voilà seul, par cette nuit sans étoiles au ciel, sans étoile en son âme, et la tempête fait rage en son cœur désemparé. Déjà aux récifs de la vie, il s’est à demi brisé ; il n’a nul flambeau pour lui indiquer la voie, lui faire éviter le naufrage : le phare de la foi, dans son âme s’est éteint.

Craignant quelque rencontre inopportune sur la voie publique, il avise un sentier qui côtoie une habitation à quelque distance des établissements de la « Dominion Bridge ». Bientôt,