Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/133

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une plus grande ou une moindre quantité de travail, en proportion de la quantité de subsistances qu’elle pourra acheter à cette époque. Par conséquent, une rente réservée en blé ne sera sujette qu’aux variations dans la quantité de travail que telle quantité de blé peut acheter ; mais une rente stipulée en toute autre denrée sera sujette non-seulement aux variations dans la quantité de travail que telle quantité de blé peut acheter, mais encore aux variations qui surviendront dans la quantité de blé que telle quantité de cette denrée stipulée pourra acheter[1].

Il est bon d’observer que, quoique la valeur réelle d’une rente en blé varie beaucoup moins que celle d’une rente en argent, d’un siècle à un autre, elle varie pourtant beaucoup plus d’une année à l’autre. Le prix du travail en argent, comme je tâcherai de le faire voir plus loin, ne suit pas, d’une année à l’autre, toutes les fluctuations du prix du blé en argent, mais il paraît se régler partout sur le prix moyen ou ordinaire de ce premier besoin de la vie, et non pas sur son prix temporaire ou accidentel. Le prix moyen ou ordinaire du blé se règle, comme je tâcherai pareillement de le démontrer plus bas, sur

  1. Le Doct. Smith est tombé à ce sujet, dans quelques sérieuses erreurs. En recherchant la valeur des métaux précieux à différentes époques, il prend le blé comme base de ses évaluations pour l’or et pour l’argent. Il considère le blé, par la fixité de sa valeur propre, comme un garant sûr de la valeur des autres marchandises, et c’est pourquoi il regarde chaque augmentation dans son prix comme étant seulement nominale et prouvant la dépréciation de la valeur des métaux précieux, le blé étant, dans ce cas, livré pour une plus grande quantité de ces métaux, ou en d’autres termes, à un plus haut prix. Mais quand l’or s’est substitué à l’argent dans les grandes opérations, ce n’est pas contre l’argent, mais contre l’or, que les marchandises sont échangées, et c’est pourquoi il est clair que leur prix, ou la quantité d’or donnée pour eux, ne peut pas indiquer la valeur de l’argent. Le prix de vente du blé indique sa valeur en or (le métal qui en solde le prix), et non en argent ; et nulle différence ne peut s’élever, dans la valeur de l’argent, de ce que le prix du blé est haut ou bas, ou en d’autres termes, de ce qu’on donne moins d’or en échange. Ce prix de vente montre seulement la valeur de l’objet contre lequel on échange le blé. Mais quand toutes les grandes opérations du marché sont réglées en or, c’est contre de l’or que l’échange s’opère, et non contre de l’argent. Donc quand le Doct. Smith conclut de la valeur du blé celle de l’argent, il ne remarque pas que, par le déclin de l’argent dans la circulation monétaire de ce pays, sa valeur depuis longtemps a perdu toute influence sur le prix du blé comme sur celui de toute autre marchandise. La monnaie étant la base de tous les contrats de commerce, il est de haute importance qu’elle demeure invariable dans sa valeur. Cette valeur de la monnaie est toutefois sujette à varier : 1o par les fluctuations dans la valeur des métaux dont elle est faite ; 2o par le frai survenu dans la circulation des pièces usées et légères ayant une valeur inférieure à celles qui conservent leur poids normal. On sent encore bien plus ces inconvénients, quand on emploie deux métaux pour les hauts payements ; car les types des deux métaux respectifs sont sujets à varier non-seulement dans leurs rapports avec les marchandises, mais aussi dans leurs rapports entre eux. En effet, une hausse dans la valeur de chaque métal détruit les proportions établies par la circulation, et fait de la réduction en lingots une opération profitable. Quand, par exemple, les cotes de la monnaie indiquent que les pièces d’argent subiront une perte de valeur intrinsèque dans l’échange contre les pièces d’or, il y a un avantage palpable à convertir l’argent en lingots, et à le vendre au prix qu’il pourra atteindre sur le marché. C’est pourquoi si l’un des deux métaux est déprécié sous forme de monnaie, il est immédiatement refondu et ramené à sa véritable valeur sous forme de lingots. Ces inconvénients sont inséparables de toute circulation métallique, puisque, quelque précises que soient les évaluations de l’or et de l’argent dans la circulation, il est impossible d’éviter les variations qui s’établissent dans les rapports de ces métaux entre eux. Dans ce cas, il est avantageux de convertir en lingots la monnaie qui circule sous l’influence d’une moins value. Buchanan.