Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/141

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qui paraîtrait plus invariable que l’argent dans sa valeur ; ce serait l’or qui semblerait mesurer la valeur de l’argent, tandis que l’argent ne semblerait pas mesurer celle de l’or. Si la coutume de régler les comptes et d’exprimer le montant des promesses et autres obligations pour dettes, de cette manière, devenait jamais générale, aussitôt l’or, et non l’argent, serait regardé comme le métal formant particulièrement le signe ou la mesure des valeurs.

Dans la réalité, tant que dure le rapport légalement établi entre la valeur respective des différents métaux monnayés, la valeur du plus précieux de ces métaux règle la valeur de la totalité de la monnaie[1]. Douze pence de cuivre contiennent une demi-livre, avoir du poids,

  1. Ceci est une erreur. La valeur de l’argent ne dépend nullement de la valeur de l’or, et réciproquement. C’est dans les règlements de monnayage des différents peuples qu’il faut chercher la raison pour laquelle la circulation de certains pays consiste en monnaies d’or et celle d’autres contrées en monnaies d’argent. La valeur de chacun de ces métaux, comme celles de toutes les autres marchandises, étant exposée à des variations perpétuelles, il en résulte nécessairement que la proportion fixée par le gouvernement pour leur échange, doit promptement cesser d’exprimer leur rapport réel l’un avec l’autre, quelle que soit d’ailleurs l’exactitude avec laquelle cette proportion ait été d’abord établie. Aussitôt que cette différence de valeur s’est introduite, il est de l’intérêt de tous les débiteurs de payer leurs dettes avec la monnaie de métal qui a été surévalué ; alors le métal évalué au-dessus de sa valeur est exporté en d’autres pays par les marchands de monnaie. L’histoire des monnaies de France et d’Angleterre fournit des preuves abondantes à l’appui de cette vérité. En France, par exemple, avant la refonte de 1785, le louis d’or était taxé, à la Monnaie, à 24 livres seulement, lorsqu’il valait réellement 25 livres 10 sous. Ceux donc qui auraient acquitté leurs obligations en monnaie d’or au lieu de le faire en monnaie d’argent, auraient perdu 1 livre 10 sous par chaque 24 livres ! La conséquence naturelle fut donc que très-peu de payements étaient faits en or ; que l’or fut presque banni de la circulation, et que l’argent devint la seule espèce de circulation métallique usitée en France. (Say, Traité d’Économie politique, tom. Ier, p. 393, 4e édit.) En Angleterre, la surévaluation de l’or par rapport à l’argent dans la proportion fixée en 1717, produisit, comme on l’a déjà observé, un effet tout opposé. Cette évaluation fut estimée par lord Liverpool avoir été, dans le temps, environ égale à quatre pence par guinée, ou à 1 19/51 pour cent. Et comme la valeur réelle de l’argent par rapport à l’or, ne fit qu’augmenter pendant la plus grande partie du dernier siècle, l’avantage des payements en or devint plus décidé encore ; il conduisit enfin à l’usage universel de l’or dans les grands payements, et à l’exportation de toutes les monnaies d’argent de poids intégral. Mac Culloch.