Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/147

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de l’argent en lingot au taux auquel il est reçu à la Monnaie, il n’est pas fort probable qu’une semblable refonte puisse le faire aujourd’hui.

Si la monnaie d’argent était rapprochée du poids légal autant que l’est la monnaie d’or, il est probable qu’une guinée s’échangerait, selon la proportion actuelle, contre une plus grande quantité d’argent monnayé qu’elle n’en pourrait acheter en lingot. La monnaie d’argent contenant en entier son poids légal, il y aurait, dans ce cas, profit à la fondre, afin de vendre d’abord le lingot pour de la monnaie d’or, et ensuite échanger cette monnaie d’or contre de la monnaie d’argent qu’on remettrait encore de même au creuset. Il semble que la seule méthode de prévenir cet inconvénient, serait de faire quelque changement au rapport actuellement établi entre ces deux métaux[1].

  1. Le rôle de la circulation métallique se divise naturellement en deux sections distinctes, la fonction d’effectuer les payements importants étant nécessairement dévolue au métal le plus précieux, tandis que les métaux inférieurs sont toujours conservés pour les échanges ordinaires, et sont ainsi simplement subordonnés à la circulation principale.
    Cependant, entre l’introduction première d’un métal plus précieux dans la circulation, et son emploi exclusif dans les hauts payements, il existe un large intervalle : et les payements du petit commerce doivent dans un temps devenir, par l’accroissement des richesses, assez considérables pour qu’il soit possible de les effectuer convenablement, au moins en partie, avec le métal nouveau et plus précieux ; car aucune monnaie ne peut être usitée pour les payements importants, qui ne soit en même temps convenable au commerce de détail. C’est, en dernier ressort, du consommateur que tout commerce, même celui du manufacturier, obtient la rentrée de son capital. L’argent du consommateur se substitue immédiatement au capital du détaillant. Celui-ci transmet ce qu’il reçoit de la vente de ses marchandises au marchand en gros, qui, de même, le reverse aux mains du manufacturier ou du fermier. Si bien que, quoique le métal plus précieux puisse être d’un usage plus favorable dans les forts payements, la circulation que développent les affaires de détail, doit effectivement opérer la fusion de toutes les transactions du commerce. Ce métal sera amassé par le détaillant en quantité suffisante pour ses payements en gros, et sera conséquemment réparti en larges sommes : de cette manière il entrera dans la circulation pour y remplir les fonctions d’agent principal. Quoiqu’il soit plus convenable d’effectuer les gros payements en or, un pays peut cependant conserver une monnaie relative à la petite échelle de ses transactions de détail. Autrement ses objets de consommation ne pourraient être divisés en des portions assez petites pour les besoins de la société. C’est pourquoi le métal, quel qu’il soit, argent ou cuivre, qui pourra répondre à cette exigence, et puis effectuer, quoique moins convenablement, les payements principaux formera la monnaie dominante d’un pays. Dans toutes les circulations métalliques de l’Europe, le cuivre est un agent subalterne, puisque les payements effectués avec ce métal représentent des sommes inférieures à toute monnaie d’argent. Mais quoique l’or ait été depuis longtemps introduit dans tous les systèmes monétaires du continent, il n’a pas supplanté l’argent dans les règlements principaux. La nature des payements sur le continent ne paraît pas permettre l’usage de l’argent comme monnaie subsidiaire. Quoique l’or pût clairement répondre d’une manière plus satisfaisante aux grands payements, il n’en est pas moins vrai que l’argent doit être réuni en fortes sommes par les détaillants. Le débit de leurs marchandises doit toujours leur rapporter une masse considérable de monnaie d’argent qu’ils ne peuvent affecter qu’au payement des demandes du marchand en gros. Il est évident qu’en Angleterre la quantité d’argent mise en circulation n’excède pas les besoins des petits payements, puisqu’il est souvent difficile de se procurer le change d’une guinée. La monnaie d’argent a souvent même été vendue avec prime. On voit rarement l’argent en sommes dépassant vingt schellings, et en réalité, on effectue peu de payements de cette valeur en argent. Il serait intéressant, si nous avions les matériaux nécessaires à une enquête aussi curieuse, de retracer le développement et le déclin de tel métal particulier dans la circulation d’un pays : mais le manque de documents oppose une barrière infranchissable à une pareille investigation. L’époque à laquelle l’argent fut substitué au cuivre dans les systèmes monétaires de l’Europe est ensevelie dans l’obscurité : car malheureusement, les historiens accordent peu d’intérêt à ces questions. La guerre et la politique éveillent principalement leur attention et ces faits favoris font rejeter dans l’ombre les détails si précieux de l’histoire économique. L’argent domine encore les hauts payements en Europe, en Amérique et dans toute l’Inde ; et nul document ne peut servir de base à un calcul qui indiquerait l’époque à laquelle l’or prendra le principal rôle dans la circulation monétaire de ces contrées. Une telle ère peut ne pas s’ouvrir dans la révolution des siècles ; et c’est pourquoi, dans tous les cas, la situation de la circulation monétaire anglaise pendant la période à laquelle nous avons fait allusion, mérite d’être interrogée. L’introduction exclusive de l’or dans les gros payements de l’Angleterre, est une preuve évidente que les remboursements du commerce de détail étaient, à cette époque, principalement effectués avec ce métal : fait qui devait se manifester alors même qu’aucun payement particulier n’excédait ou peut-être n’égalait aucun des types en or. Car, en face de l’abondance de l’or et de la rareté de l’argent, il était naturel que l’on présentât les monnaies en or pour de petites sommes en demandant un appoint en argent. Par ce moyen, l’or en aidant et économisant l’emploi de l’argent dans les marchés de détail, même pour les plus petits payements, prévenait son accumulation dans les mains du détaillant. Et comme on avait primitivement trouvé nécessaire, alors que l’argent était employé dans le détail, de l’introduire aussi dans les hauts payements, il en découle d’une manière analogue que l’or ne peut aujourd’hui être employé exclusivement dans les payements considérables sans remplir parfois aussi les fonctions de l’argent dans le petit commerce. Si on ne se servait pas d’or à cet effet, il faudrait plus d’argent, et dès lors ce métal tendrait à s’accumuler entre les mains des détaillants en quantité suffisante pour leurs payements en gros et empiéterait ainsi sur les fonctions de la haute circulation. La substitution de l’or à l’argent dans les forts payements, doit immédiatement produire un excès dans cette dernière monnaie et conséquemment une diminution dans sa valeur ; l’effet de cette substitution est un cas correspondant exactement à celui que produirait un accroissement dans la circulation en général, provoquée sans que les demandes du commerce se soient mises en équilibre avec cette augmentation. Cette dépréciation dans la valeur du type d’argent développera nécessairement la tentation de le refondre. L’argent aura une plus grande valeur en lingots qu’en monnaie, et ceci se perpétuera jusqu’à ce que la quantité mise en circulation ne dépasse pas les besoins des petits payements. Buchanan.