Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/160

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nous parle souvent des profits d’une plantation, mais rarement de la rente qu’elle rapporte.

Il est rare que de petits fermiers emploient un inspecteur pour diriger les principales opérations de leur ferme. Ils travaillent eux-mêmes en général une bonne partie du temps, et mettent la main à la charrue, à la herse, etc. Ce qui reste de la récolte, la rente payée, doit remplacer, non-seulement le capital qu’ils ont mis dans la culture avec ses profits ordinaires, mais encore leur payer les salaires qui leur sont dus, tant comme ouvriers que comme inspecteurs. Cependant ils appellent profit ce qui reste après la rente payée et le capital remplacé, quoique les salaires y entrent évidemment pour une partie. Le fermier, en épargnant la dépense de ces salaires, les gagne nécessairement pour lui-même. Aussi, dans ce cas, les salaires se confondent avec le profit.

Un ouvrier indépendant qui a un petit capital suffisant pour acheter des matières et pour subsister jusqu’à ce qu’il puisse porter son ouvrage au marché, gagnera à la fois, et les salaires du journalier qui travaille sous un maître, et le profit que ferait le maître sur l’ouvrage de celui-ci. Cependant la totalité de ce que gagne cet ouvrier se nomme profit, et les salaires sont encore ici confondus avec le profit[1].

Un jardinier qui cultive de ses propres mains son jardin, réunit à la fois dans sa personne les trois différents caractères, de propriétaire, de fermier et d’ouvrier. Ainsi le produit de son jardin doit lui payer la rente du premier, le profit du second et le salaire du troisième. Néanmoins le tout est regardé communément comme le fruit de son travail. Ici la rente et le profit se confondent avec le salaire.

Comme dans un pays civilisé il n’y a que très-peu de marchandises dont toute la valeur échangeable procède du travail seulement, et que, pour la très-grande partie d’entre elles, la rente et le profit y contribuent pour de fortes portions, il en résulte que le produit annuel du travail de ce pays suffira toujours pour acheter et commander une quantité de travail beaucoup plus grande que celle qu’il a fallu employer pour faire croître ce produit, le préparer et l’amener au marché. Si la société employait annuellement tout le travail qu’elle est en état d’acheter annuellement, comme la quantité de ce travail augmenterait considérablement chaque année, il s’ensuivrait que le produit de chacune des années suivantes serait d’une valeur incomparablement plus grande que celui de

  1. Voyez encore au chapitre x du livre I.