Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/191

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bon ou même à meilleur marché dans les grandes villes que dans les endroits les plus reculés de la campagne, pour des raisons que j’aurai occasion de développer dans la suite[1]. Mais les salaires du travail dans une grande ville et dans son voisinage sont fréquemment d’un quart ou d’un cinquième, de vingt à vingt-cinq pour cent plus élevés qu’ils ne sont à quelques milles de distance ; 18 deniers par jour peuvent passer pour le prix du travail le plus simple à Londres et dans ses environs ; à quelques milles de là, il tombe à 14 ou à 15 : son prix est sur le pied de 10 deniers à Édimbourg et dans les environs ; à quelques milles de distance, il tombe à 8, qui est le prix ordinaire du plus simple travail dans la plus grande partie du plat pays d’Écosse, où il varie infiniment moins qu’en Angleterre[2]. Une telle différence dans les prix, qui paraît ne pas suffire toujours pour transporter un homme d’une paroisse à une autre, entraînerait infailliblement un si grand transport de denrées même les plus volumineuses, non-seulement d’une paroisse à une autre, mais même d’un bout du royaume, presque d’un bout du monde à l’autre, qu’elles se trouveraient bientôt ramenées à peu près au niveau. Malgré tout ce qu’on a dit de la légèreté et de l’inconstance de la nature humaine, il paraît évidemment, par l’expérience, que rien n’est plus difficile à déplacer que l’homme. Si donc, dans ces parties du royaume où le prix du travail est le plus bas, les ouvriers pauvres peuvent néanmoins soutenir leurs familles, ils doivent être dans l’abondance dans les pays où il est le plus élevé.

Quatrièmement, les variations dans le prix du travail ne correspondent point, quant aux lieux et aux temps, à celles du prix des denrées, mais elles ont lieu souvent dans les directions tout à fait opposées[3].

  1. Chap. x de ce livre, première partie.
  2. L’énorme accroissement des communications entre les différentes provinces de l’empire, depuis les dernières années, par suite de l’amélioration des routes, de la construction des canaux et des chemins de fer, de l’établissement de la navigation à la vapeur, a ramené le prix des différents produits et les salaires du travail, dans les diverses localités, à un niveau beaucoup plus égal qu’à l’époque où fut publiée la Richesse des nations.
    Mac Culloch.
  3. Les salaires du travail ne consistent point dans l’argent, mais dans ce qu’on peut acheter avec cet argent, c’est-à-dire dans les denrées et autres objets nécessaires ; et la part qui sera accordée au travailleur sur le fonds commun, sera toujours proportionnée à l’offre. Là où les subsistances sont à bas prix et abondantes, son lot sera plus fort ; et là où elles sont rares et chères, sa part le sera moins. Son salaire sera toujours exactement ce qui doit lui revenir, et jamais au delà. Le docteur Smith et la plupart des autres auteurs ont, il est vrai, prétendu que le prix en argent du travail était réglé par le prix en argent des subsistances, et que toutes les fois que les vivres montaient, les salaires haussaient dans la même proportion. Il est cependant clair que le prix du travail n’a point de rapport nécessaire avec le prix des subsistances, puisqu’il dépend entièrement de l’offre du travail industriel comparée avec la demande. D’ailleurs, il faut faire attention que le haut prix des subsistances est un indice certain de la diminution de l’approvisionnement, et a lieu dans le cours ordinaire des choses, afin d’en retarder la consommation. Une moindre quantité de vivres, partagée entre le même nombre de consommateurs, en laissera évidemment à chacun une moindre portion, et le travailleur sera forcé de supporter sa part de privations dans la disette. Pour que ce fardeau soit distribué également, et pour empêcher que le travailleur ne consomme autant de subsistances qu’auparavant, le prix monte. On prétend que les salaires doivent monter en même temps, pour mettre le travailleur en état de se procurer la même quantité d’une denrée devenue plus rare. Mais si cela était ainsi, la nature contrarierait elle-même ses propres desseins, en faisant d’abord monter le prix des subsistances, afin d’en diminuer la consommation, et en faisant ensuite hausser les salaires, pour fournir au travailleur le même approvisionnement qu’auparavant.
    Buchanan.