Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/199

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tiplication excessive d’ouvriers la rabaissera bientôt à ce taux nécessaire. Dans l’un de ces cas, le marché serait tellement dépourvu de travail, et il s’en trouverait tellement surchargé dans l’autre, qu’il forcerait bientôt le prix du travail à revenir à un taux qui s’accordât avec ce qu’exigeraient les circonstances où se trouverait la société. C’est ainsi que la demande d’hommes règle nécessairement la production des hommes, comme fait la demande à l’égard de toute autre marchandise ; elle hâte la production quand celle-ci marche trop lentement, et l’arrête quand elle va trop vite. C’est cette demande qui règle et qui détermine l’état où est la propagation des hommes, dans tous les différents pays du monde, dans l’Amérique septentrionale, en Europe et à la Chine ; qui la fait marcher d’un pas si rapide dans la première de ces contrées ; qui lui donne dans l’autre une marche lente et graduelle, et qui la rend tout à fait stationnaire dans la troisième[1].

C’est aux dépens du maître, a-t-on dit, que les esclaves s’usent et vieillissent, tandis que les serviteurs libres s’usent et vieillissent à leurs propres dépens. Cependant, cette espèce de déchet qui provient du temps et du service, est, pour les uns comme pour les autres, une charge ou une dépense qui doit être également supportée par le maître. Les salaires qu’on paye à des gens de journée et domestiques de toute espèce, doivent être tels que ceux-ci puissent, l’un dans l’autre, continuer à maintenir leur population, suivant que peut le requérir l’état croissant ou décroissant, ou bien stationnaire, de la demande qu’en fait la société. Mais quoique le maître paye également ce qu’il faut pour remplacer un jour le domestique libre, il lui en coûte bien moins que pour un esclave. Le fonds destiné à remplacer et à réparer, pour ainsi dire, le déchet résultant du temps et du service dans la personne de l’esclave, est ordinairement sous l’administration d’un maître peu attentif ou d’un inspecteur négligent. Celui qui est destiné au même emploi, à l’égard du serviteur libre, est économisé par les mains mêmes du serviteur libre. Dans l’administration du premier s’introduisent naturellement les désordres qui règnent, en général, dans les affaires du riche ; la frugalité sévère et l’attention parcimonieuse du pauvre s’établissent aussi naturellement dans l’administration du second. Avec une administration différente, il faudra, pour remplir le même objet, des degrés de dépense fort différents. En conséquence, l’expérience de tous les temps

  1. Et l’Irlande !