Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/200

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et de tous les pays s’accorde, je crois, pour démontrer que l’ouvrage fait par des mains libres revient définitivement à meilleur compte que celui qui est fait par des esclaves[1]. C’est ce qui se voit même à Boston, à New-York et à Philadelphie, où les salaires du travail le plus simple sont si élevés[2].

La récompense libérale du travail, qui est l’effet de l’accroissement de la richesse nationale, devient donc aussi la cause d’accroissement de la population. Se plaindre de la libéralité de cette récompense, c’est se plaindre de ce qui est à la fois l’effet et la cause de la plus grande prospérité publique.

Il est peut-être bon de remarquer que c’est dans l’état progressif de la société, lorsqu’elle est en train d’acquérir successivement plus d’opulence, et non pas lorsqu’elle est parvenue à la mesure complète de richesse dont elle est susceptible, que véritablement la condition de l’ouvrier pauvre, celle de la grande masse du peuple, est plus heureuse et plus douce ; elle est dure dans l’état stationnaire ; elle est misérable dans l’état de déclin. L’état progressif est, pour tous les différents ordres de la société, l’état de la vigueur et de la santé parfaites ; l’état stationnaire est celui de la pesanteur et de l’inertie ; l’état rétrograde est celui de la langueur et de la maladie.

De même que la récompense libérale du travail encourage la population, de même aussi elle augmente l’industrie des classes inférieures. Ce sont les salaires du travail qui sont l’encouragement de l’industrie, et celle-ci, comme tout autre qualité de l’homme, se perfectionne à proportion de l’encouragement qu’elle reçoit. Une subsistance abondante augmente la force physique de l’ouvrier ; et la douce espérance d’améliorer sa condition et de finir peut-être ses jours dans le repos et dans l’aisance, l’excite à tirer de ses forces tout le parti possible. Aussi verrons-nous toujours les ouvriers plus actifs, plus diligents, plus expéditifs là où les salaires sont élevés, que là où ils sont bas ; en Angleterre, par exemple, plus qu’en Écosse, dans le voisinage des grandes villes, plus que dans des campagnes éloignées. Il y a bien quelques

  1. C’est ce qui est démontré aujourd’hui par toutes les observations consignées dans les enquêtes sur l’émancipation des esclaves dans les colonies. Partout où l’affranchi travaille, son travail est plus productif que celui de l’esclave ; mais malheureusement il ne travaille pas toujours. A. B.
  2. Voyez liv. III, chap. ii, et liv. IV, chap. ix.