Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/213

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portion de sa population et de l’étendue de son capital. Les colons ont plus de terre qu’ils n’ont de capitaux à consacrer à la culture ; aussi les capitaux qu’ils possèdent sont-ils appliqués seulement à la culture des terres les plus fertiles et les plus favorablement situées, à celles qui avoisinent les côtes de la mer ou qui bordent les rivières navigables. Ces terres s’achètent très-souvent au-dessous même de la valeur de leur produit naturel. Le capital employé à l’achat et à l’amélioration de ces terres doit rendre un très-gros profit et, par conséquent, fournir de quoi payer un très-gros intérêt. L’accumulation rapide du capital dans un emploi aussi profitable met le planteur dans le cas d’augmenter le nombre des bras qu’il occupe, beaucoup plus vite qu’un établissement récent ne lui permet d’en trouver ; aussi les travailleurs qu’il peut se procurer sont-ils très-libéralement payés. À mesure que la colonie augmente, les profits des capitaux diminuent. Quand les terres les plus fertiles et les mieux situées se trouvent toutes occupées, la culture de celles qui sont inférieures, tant pour le sol que pour la situation, devient de moins en moins profitable et, par conséquent, l’intérêt du capital employé se trouve nécessairement réduit. C’est pour cela que le taux de l’intérêt, soit légal, soit courant, a considérablement baissé dans la plupart de nos colonies, pendant le cours de ce siècle. À mesure de l’augmentation des richesses de l’industrie et de la population, l’intérêt a diminué.

Les salaires du travail ne baissent pas comme les profits des capitaux. La demande de travail augmente avec l’accroissement du capital, quels que soient les profits ; et après que ces profits ont baissé, les capitaux n’en augmentent pas moins ; ils continuent même à augmenter bien plus vite qu’auparavant. Il en est des nations industrieuses qui sont en train de s’enrichir, comme des individus industrieux. Un gros capital, quoique avec de petits profits, augmente en général plus promptement qu’un petit capital avec de gros profits. L’argent fait l’argent, dit le proverbe. Quand vous avez gagné un peu, il vous devient souvent facile de gagner davantage. Le difficile est de gagner ce peu.

J’ai déjà exposé en partie la liaison qu’il y a entre l’accroissement du capital et celui de l’industrie ou de la demande de travail productif ; mais je la développerai avec plus d’étendue par la suite, en traitant de l’accumulation des capitaux[1].

  1. Liv. II, chap. iii.