Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/218

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Le taux le plus élevé auquel puissent monter les profits ordinaires est celui qui, dans le prix de la grande partie des marchandises, absorbe la totalité de ce qui devait revenir à la rente de la terre, et qui réserve seulement ce qui est nécessaire pour salarier le travail de préparer la marchandise et de la conduire au marché, au taux le plus bas auquel le travail puisse jamais être payé, c’est-à-dire la simple subsistance de l’ouvrier. Il faut toujours que, d’une manière ou d’une autre, l’ouvrier ait été nourri pendant le temps que le travail lui a pris ; mais il peut très-bien se faire que le propriétaire de la terre n’ait pas eu de rente. Les profits du commerce que pratiquent au Bengale les employés de la compagnie des Indes orientales ne sont peut-être pas très-éloignés de ce taux excessif[1].

La proportion que le taux ordinaire de l’intérêt, au cours de la place, doit garder avec le taux ordinaire du profit net, varie nécessairement, selon que le profit hausse ou baisse. Dans la Grande-Bretagne, on porte au double de l’intérêt ce que les commerçants appellent un profit honnête, modéré, raisonnable ; toutes expressions qui, à mon avis, ne signifient autre chose qu’un profit commun et d’usage. Dans un pays où le taux ordinaire du profit net est de 8 ou 10 p. 100, il peut être raisonnable qu’une moitié de ce profit aille à l’intérêt, toutes les fois que l’affaire se fait avec de l’argent d’emprunt. Le capital est au risque de l’emprunteur, qui, pour ainsi dire, est l’assureur de celui qui prête ; et dans la plupart des genres de commerce, 4 ou 5 p. 100 peuvent être à la fois un profit suffisant pour le risque de cette assurance, et une récompense suffisante pour la peine d’employer le capital. Mais dans le pays où le taux ordinaire des profits est beaucoup plus bas ou beaucoup plus élevé, la proportion entre l’intérêt et le profit net ne saurait être la même ; s’il est beaucoup plus bas, peut-être ne pourrait-on pas en retrancher une moitié pour l’intérêt ; s’il est plus élevé, il faudra peut-être aller au-delà de la moitié.

Dans les pays qui vont en s’enrichissant avec rapidité, le faible taux des profits peut compenser le haut prix des salaires du travail dans le prix de beaucoup de denrées, et mettre ces pays à portée de vendre à aussi bon marché que leurs voisins, qui s’enrichiront moins vite, et chez lesquels les salaires seront plus bas.

Dans le fait, des profits élevés tendent, beaucoup plus que des salaires élevés, à faire monter le prix de l’ouvrage. Si, par exemple, dans la

  1. Sur la nature oppressive de ce commerce, voyez liv. IV, chap. vii, sect. 3.