Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/26

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s’était écoulée sa vie, sans altérer en rien la sérénité de son âme. Chacun sait que, sentant sa fin approcher, il fit brûler par ses amis une foule de manuscrits qu’il jugeait indignes de lui survivre, et ses volontés à ce sujet furent religieusement exécutées. Il existe une lettre écrite par lui à David Hume, en avril 1773, dans laquelle se manifestait déjà la ferme résolution de se montrer sévère au point d’envelopper dans une même réprobation tous ses travaux inédits, à l’exception d’une Histoire des systèmes astronomiques jusqu’au temps de Descartes.

Ainsi mourut cet illustre fondateur de l’économie politique, après une carrière paisible et honorée, mais dépourvue de l’éclat qui devait bientôt s’attacher à son nom. On n’apprit qu’après sa mort une foule de bonnes actions qu’il avait cachées et de services généreux qu’il avait rendus. Sa vie avait été si simple et si retirée, qu’on en connaît à peine les principaux événements ; on sait seulement qu’il était d’un commerce agréable, d’un caractère timide et distrait, et d’une indépendance philosophique à la hauteur de son génie. À l’université d’Oxford, il fut un étudiant sceptique et hardi ; dans sa chaire, à Glasgow, il se montra professeur consciencieux, original, clair et profond tout à la fois. Quoiqu’il improvisât ses leçons avec lenteur et sans élégance, on l’écoutait avec avidité ; on discutait avec chaleur les sujets qu’il avait traités et sur lesquels il savait répandre un intérêt inexprimable. Son style reproduit assez fidèlement ce que ses contemporains ont dit de ses leçons. Il est toujours grave, simple et lucide, mais souvent assez lourd, prolixe et traînant. Adam Smith ne s’est servi de la langue que comme d’un instrument. Préoccupé du fond plutôt que de la forme, il semble dédaigner de descendre aux artifices de langage, trop souvent nécessaires pour fixer l’attention d’un nombreux auditoire et celle des lecteurs. Cependant, le feu sacré de l’éloquence brille par moments dans plusieurs de ses pages, lorsque, entraîné par l’importance du sujet et quelquefois ébloui par les vives clartés de son génie, il promène un regard ferme et tranquille sur les phénomènes économiques de l’existence des sociétés. Sa véritable gloire est d’en avoir découvert un grand nombre, et d’avoir analysé les plus essentiels d’une manière