Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/30

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Smith pouvait le percer d’outre en outre, en allant de Glasgow à Toulouse. Les États-Unis n’avaient alors que quinze cent mille habitants, au lieu de vingt millions, et la Compagnie des Indes ne menaçait pas, comme aujourd’hui, les remparts de Pékin. Smith se plaignait beaucoup des douanes de provinces et des petites entraves de son temps. Qu’aurait-il dit en présence du blocus continental ?

Tous les éléments de la richesse, sauf la terre, ont donc éprouvé de grandes modifications depuis la publication du livre de Smith. L’Europe d’aujourd’hui n’a presque plus rien de commun avec l’Europe de son temps. En 1776, l’industrie du coton, la filature mécanique, la machine à vapeur, les chemins de fer, n’existaient réellement point. Nous avons porté, en France, le dernier coup à tous les préjugés de caste et à la propriété féodale. L’Amérique du Sud est émancipée, convulsivement sans doute et stérilement jusqu’à présent ; mais le voile qui couvrait ce vaste continent est tout entier levé. Nos bateaux à vapeur ont repris la vieille route de l’Inde abandonnée depuis la grande querelle des Vénitiens et des Portugais. Que dis-je ? Venise elle-même n’est plus, la Grèce est affranchie, l’Égypte se réveille ; tout est changé depuis l’œuvre de Smith, et néanmoins cette œuvre demeure immortelle. Elle peut se résumer en deux mots : la paix et le travail. C’est par ce double chemin que l’humanité a pris son essor que rien n’arrêtera désormais. La gloire de Smith est de l’avoir tracé, d’en avoir démontré la supériorité sur tous les autres. C’est sur la nature aujourd’hui, grâce à lui, que les grands peuples aiment à faire des conquêtes. C’est l’esprit de son livre qui a prévalu aux États-Unis et qui a couvert ce pays de villes, de canaux et de défrichements. C’est l’oubli de ses préceptes qui l’infeste à présent de banqueroutes et de sinistres. Sur quelque point du globe que l’on tourne les yeux, la fortune sourit aux nations qui se montrent fidèles à la sagesse économique ; la misère désole les contrées où cette sagesse est méconnue. Adam Smith a eu l’honneur insigne d’être le plus habile interprète de cette sagesse collective, œuvre du temps et du génie, qu’on appelle la science économique. Quelques progrès que la science fasse à l’avenir, le philosophe de