Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/313

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les arts et l’industrie vont en avançant, les matières propres à vêtir et à loger, les fossiles et les minéraux utiles, les métaux précieux et les pierres précieuses devraient successivement être de plus en plus demandés ; ils devraient successivement s’échanger contre une quantité de subsistances de plus en plus grande, ou, en d’autres termes, ils devraient toujours renchérir de plus en plus. C’est aussi ce qui est arrivé à l’égard de presque toutes ces choses, le plus souvent, et il en serait arrivé de même pour toutes, dans toutes les circonstances, si à certaines époques des événements particuliers n’avaient pas augmenté l’approvisionnement de quelques-unes de ces choses dans une proportion encore beaucoup plus forte que la demande.

La valeur d’une carrière de pierre de taille, par exemple, augmentera nécessairement à mesure qu’augmenteront l’industrie et la population du pays environnant, surtout si elle se trouve la seule dans le voisinage. Mais la valeur d’une mine d’argent, fût-elle la seule à cinq cents lieues à la ronde, n’augmentera pas nécessairement en conséquence des progrès du pays où elle est située. Le marché, pour le produit d’une carrière de pierre de taille, ne s’étend guère au-delà de quelques milles à l’entour, et la demande en sera généralement en proportion des progrès et de la population de ce petit arrondissement ; mais le marché, pour le produit d’une mine d’argent, peut s’étendre à tous les pays du monde connu. Ainsi, à moins que le monde entier n’augmente généralement en richesse et en population, les progrès survenus même dans une grande étendue de pays autour de la mine n’augmenteront pas la demande de l’argent ; et dans le cas même où le monde entier irait en s’enrichissant, lors même que, dans le cours de ces progrès, on découvrirait de nouvelles mines beaucoup plus fécondes qu’aucune de celles connues jusqu’alors, et bien que, dans ce cas, la demande d’argent allât toujours en augmentant, cependant il pourrait se faire que l’approvisionnement augmentât de son côté dans une proportion tellement supérieure, que le prix réel de ce métal tombât de plus en plus ; c’est-à-dire que, de plus en plus, une quantité donnée, une livre pesant, par exemple, de ce métal, ne pût acheter ou commander qu’une quantité de travail toujours moindre, ou s’échangeât contre une quantité toujours successivement plus petite de blé, la principale subsistance du travailleur.

Le grand marché pour l’argent, c’est la partie du monde civilisée et commerçante.