Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/36

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bourse de quelques riches citoyens, lorsque le trésor public manquait absolument de fonds ; mais ces emprunts, contractés personnellement par les magistrats et sur leur foi, étaient remboursables à une échéance déterminée dont le terme était très-court. La plus entière confiance d’une part, la plus religieuse fidélité de l’autre, présidaient à ces contrats, et aucune considération n’aurait pu en modifier ni même en différer arbitrairement l’exécution.

Deux ans après la contribution volontaire provoquée par le consul Lævinus, les besoins toujours croissants de la guerre la plus redoutable que la république ait eu à soutenir, mirent les consuls dans la nécessité d’emprunter de quelques citoyens une somme d’argent qui fut stipulée payable en trois termes égaux de deux en deux ans. Il fut satisfait avec ponctualité au payement des deux premiers termes, au milieu même des embarras et des charges de la guerre, et lorsque les armées victorieuses d’Annibal et de ses puissants alliés semblaient devoir apporter à Rome, d’un moment à l’autre, la destruction ou la servitude. Au commencement de l’an 550, le troisième et dernier terme de cet emprunt était échu. Les particuliers qui avaient fait ces avances aux consuls se présentent au sénat et réclament leur payement. Le sénat, qui ne pouvait méconnaître la justice de cette réclamation, mais qui se trouvait dans l’impuissance absolue d’y satisfaire, à cause de l’extrême pénurie du trésor, ayant su que ces créanciers ne seraient pas éloignés de s’accommoder de quelques terres qui faisaient partie du domaine public et qui étaient aliénables, leur fait proposer la cession d’une partie de ces terres, jusques à concurrence des sommes dues, d’après une estimation équitablement faite, et avec la clause expresse que celui d’entre ces créanciers qui préférerait son payement en argent serait admis à rétrocéder à la république le lot de terre à lui adjugé, pour en toucher l’équivalent dès que le trésor se trouvera en état de l’acquitter.

Cette proposition, très-agréable aux créanciers, est acceptée avec empressement, et Tite-Live, en rapportant ce fait, ajoute que c’est de là que le champ ainsi concédé pour l’acquit de ce dernier tiers (trientis tubula) a conservé le nom de trienlius tabuluis ager. (Liv. XXXI, § 13.)

On voit donc que, d’après la manière dont les peuples anciens avaient formé leur organisation sociale, cette séparation d’intérêts qui existe chez nous entre le propriétaire foncier et le cultivateur,