Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/361

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

deux onces d’argent importées[1]. Il présume que la grande quantité d’argent qui va annuellement aux Indes orientales réduit les quantités de ces métaux qui restent en Europe à la proportion de 1 à 14 ou 15, qui est l’inverse de leurs valeurs respectives. Il paraît penser que la proportion entre leurs valeurs doit nécessairement être en raison réciproque de leurs quantités et que, par conséquent, elle serait comme 22 à 1, si ce n’était cette plus forte exportation d’argent.

Mais il n’est pas vrai que la proportion ordinaire entre les valeurs respectives de deux marchandises doive être nécessairement en raison de celle des quantités qui s’en trouvent communément au marché. Le prix du bœuf, en le mettant à 10 guinées, est environ soixante fois le prix d’un agneau, en mettant celui-ci à 3 schellings 6 deniers. Il serait pourtant absurde d’en conclure qu’il y a communément au marché soixante agneaux contre un bœuf ; et il serait tout aussi absurde d’inférer, de ce qu’une once d’or achètera communément de quatorze à quinze onces d’argent, qu’il y a communément au marché quatorze à quinze onces seulement d’argent contre une once d’or.

Il est vraisemblable que la quantité d’argent qui est communément au marché excède celle de l’or dans une proportion beaucoup plus forte que la valeur d’une certaine quantité d’or ne surpasse la valeur d’une égale quantité d’argent. La masse totale, mise au marché, d’une denrée à bas prix, est ordinairement, non-seulement plus grande en quantité, mais aussi d’une plus grande valeur que la masse totale d’une denrée chère. La masse totale du pain qui va annuellement au marché est non-seulement plus grande, mais encore d’une plus grande valeur que toute la masse de viande de boucherie ; la masse totale de viande de boucherie vaut plus que la masse totale de volaille ; et la masse totale de volaille, plus que la masse totale de gibier à plumes. Le nombre des acheteurs d’une denrée à bas prix excède tellement celui des acheteurs de la denrée chère, qu’on pourra non-seulement débiter une plus grande quantité de la première, mais en débiter pour une plus grande valeur. Ainsi, la masse totale de la denrée à bas prix excédera communément la masse totale de la denrée chère, dans une proportion plus forte que la valeur d’une certaine quantité de la seconde n’excédera

  1. Cette proportion diffère beaucoup des rapports établis sur des faits mieux observés, et qui fixeraient la proportion de l’or et de l’argent tirés des mines d’Amérique comme 1 : 62 Buchanan.