Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/369

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che, par la même raison que s’y vont rendre tous les objets de luxe et de curiosité ; ce n’est pas parce qu’ils y sont à meilleur marché que dans des pays plus pauvres, mais parce qu’ils y sont plus chers,

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    deux feux, celui de la cuisine et un seul pour l’appartement. On ne brûle que deux bougies dans toute la maison, et la livre de six doit durer trois jours. Le compte de chandelle est encore plus curieux. « Je mets une livre de chandelle par jour, qui est de huit ; une dans l’antichambre, une pour les femmes, une pour les cuisines, une pour l’écurie ; je ne vois guère que ces quatre endroits où il en faille ; cependant, comme les jours sont courts, j’en mets huit, et si Aimée est ménagère et qu’elle sache serrer les bouts, cette épargne ira à une livre par semaine*. »

    Tel doit être l’état de la dépense de cette maison pour tout le cours du mois et de l’année. Or, si nous revenons au temps présent, il n’est pas un bourgeois un peu aisé qui, dans le seul jour de la semaine où il juge à propos de recevoir ses amis à dîner, ne consomme en provisions de bouche de toute espèce, en vin, en sucreries, en dessert, en bois et en lumières, beaucoup plus que n’en consommaient dans tout le cours de la semaine M.  et Mme d’Aubigné, sans compter le café, les vins étrangers et plusieurs autres articles qui ne figurent pas dans leur dépense, et qui sont devenus des objets de consommation habituelle pour toute la classe aisée de la société. Nous n’avons pas de détails aussi circonstanciés sur l’économie des habits et de l’ameublement ; mais il est à présumer qu’elle était mesurée sur la même proportion que la dépense de table**.

    Cet accroissement général dans la quantité des consommations de chaque individu est ce qui a fait monter le taux pécuniaire des traitements et rétributions dans toutes les professions libérales, et dans tous les emplois et services qui s’élèvent au-dessus du simple travail, parce que ces traitements et rétributions sont la représentation d’une plus grande quantité d’objets consommables. Le simple travail même est, par cette raison seule, payé avec un peu plus d’argent qu’il ne l’était autrefois, parce que l’ouvrier est mieux nourri et mieux vêtu.

    Les progrès successifs de l’industrie et du commerce, en offrant les objets consommables en plus grande abondance et à moindre prix, ont invité les particuliers à grossir de plus en plus la somme de leur consommation personnelle ; et par une réaction naturelle, cet effet a continuellement agi comme cause des progrès ultérieurs de l’industrie, parce que les manufactures et le commerce ne peuvent avoir de plus puissant encouragement que le prompt débit de leurs productions et marchandises. Garnier.

    *. Lettres de Mme de Maintenon, tom. Ier, p. 95.

    **. Lettres de Mme de Maintenon