Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/417

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une parfaite connexité, et s’il a le mérite d’être fidèle, c’est un des documents les plus importants que puissent consulter ceux qui s’occupent d’étudier l’économie politique. Il doit porter sur une suite d’années un peu longue, afin de compenser les chances des bonnes et mauvaises récoltes, et d’offrir un terme moyen. Comme chaque prix agit sur les autres, on manquerait le but qu’on se propose si on n’écartait pas de ce tableau les hauts prix qui ont eu pour cause quelque événement particulier, totalement étranger à l’inconstance des saisons.

On a publié, en France, plusieurs tables du prix des grains ; la plus récente est celle qui a été donnée par l’estimable auteur de la Balance du Commerce (feu M. Arnould), et qu’il annonce avoir copiée sur celle de Messance. Mais les tables de Messance, qui ne comprennent que la période écoulée entre 1674 et 1765, sont un relevé des prix du meilleur froment vendu au marché de Paris, et les prix de ce marché n’ont pas toujours été le résultat naturel de l’influence des saisons et des libres efforts du commerce. On sait que, dans les années de grande cherté, le gouvernement a employé des moyens extraordinaires pour maintenir le prix des grains dans le marché de la capitale à un taux fort inférieur à celui qui aurait eu lieu sans l’intervention du pouvoir. Ainsi, pour en citer un exemple, dans la grande cherté de 1694, le prix du setier de Paris se trouve indiqué, dans les tables de Messance, à 52 livres 2 sous 6 deniers, environ un marc d’argent ; le prix du bichet de Lyon, pour la même année, est porté sur le même pied ; et comme cet auteur a dressé ses tables sur les prix du froment de première qualité, qui est communément de 20 pour cent plus cher que le blé destiné à la consommation générale, le prix courant de 1694 aurait été, si l’on s’en rapporte aux tables de Messance, de 40 francs environ de notre monnaie actuelle pour le setier de Paris, et 8 francs pour le bichet de Lyon, · cinquième du setier de Paris. Mais la réduction du prix de marché dans l’une et l’autre de ces grandes villes a été l’effet de dépenses extraordinaires faites par leurs magistrats municipaux pour adoucir le poids de la disette et le rendre plus supportable à leurs administrés. Il est prouvé par tous les monuments de cette époque, que le prix du blé a monté fort au-dessus des sommes indiquées dans les tables de Messance. Lamarre, dans son Traité de la police (livre V, titre IV, chap. xvi et xvii), expose les moyens violents qui furent mis en œuvre pour faire arriver des blés à Paris, et notamment l’envoi de commissaires chargés de faire des recherches chez les laboureurs et les marchands, et d’informer contre tous ceux qui se trouveraient avoir des provisions au delà des besoins de leur consommation. « Cette mesure (qui eut lieu au mois de juillet 1694) fit baisser, dit-il, le prix du blé au marché de Paris, de 54 livres qu’il avait été jusque alors, à 36 livres, puis à 32 livres. » Il rapporte aussi qu’en 1698, où la même mesure fut renouvelée, les commis-