Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/45

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que, en dernière analyse, ce commerce n’est qu’une lutte dans laquelle celui-ci s’efforce d’obtenir la plus grande quantité de produits avec le moindre emploi possible d’hommes et de terre. Par l’extension que provoque ce genre de combat, dans la population et la culture des autres peuples, un tel commerce doit naturellement aller toujours en croissant ; aussi, chaque année, l’Angleterre a-t-elle importé une plus grande somme de produits bruts qu’elle a renvoyés manufacturés, ce qui a grossi annuellement la quantité numérique de ses exportations et de ses importations, à l’inexprimable contentement de ses spéculateurs politiques.

En définitive donc, l’Angleterre travaille constamment à multiplier chez ses rivaux les hommes et les produits bruts, les deux principaux éléments de richesse et de puissance qui ont toujours fini par assurer la domination au peuple qui les a possédés au plus haut degré, et qui, dans tous les temps, ont décidé en dernier ressort du destin des nations.

Chez une nation, au contraire, qui est foncièrement riche, mais qui se trouve épuisée par de longues guerres ou par des dissensions intestines, l’industrie nationale est comme ces substances chimiques qui ont été privées du principe avec lequel elles ont le plus d’affinité ; plus elles ont été dépouillées, plus elles le saisissent avec avidité et s’en emparent rapidement tout autour d’elles, jusqu’à ce qu’elles en soient saturées et qu’elles arrivent au degré de combinaison déterminé par la nature. C’est avec cette activité dévorante que l’industrie française, aussitôt qu’elle s’est retrouvée dans une atmosphère de calme et de sécurité, a repris tout ce qu’une longue suite de troubles civils lui avait enlevé ; tandis que celle de ses voisins, surchargée de capitaux au delà de ce qu’elle en peut absorber dans le cours naturel des choses, est au point où commencent à se faire sentir le ralentissement et le déclin.

Les nations qui ont eu le plus de relations commerciales avec l’Angleterre ont ressenti chez elles tous les effets salutaires attachés à un commerce dans lequel sont toujours demandés et payés des produits bruts. La Russie, en travaillant pour fournir à l’Angleterre des cargaisons de chanvre, de suif, de cire, de goudron, de peaux, de bois de construction, etc., a travaillé en même temps pour accroître sa culture et sa population : aussi, depuis environ cinquante ans que ce commerce a été entretenu sans interruption, la popula-