Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/464

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lettre de change de A, sous la condition qu’avant le terme du payement il pourra tirer sur A d’Édimbourg une autre lettre de change de pareille somme, ensemble l’intérêt et le droit de commission, payables de même à deux mois de date. En conséquence, avant l’expiration des deux premiers mois, B tire cette lettre sur A d’Édimbourg, qui de nouveau, avant l’expiration des seconds deux mois, tire une seconde lettre sur B de Londres, payable pareillement à deux mois de date, et avant l’expiration de ce troisième terme de deux mois, B de Londres tire derechef sur A d’Édimbourg une autre lettre de change payable aussi à deux mois de date. Cette pratique a quelquefois ainsi continué, non-seulement plusieurs mois, mais même plusieurs années de suite, la lettre de change revenant toujours sur A d’Édimbourg, chargée de l’intérêt et de la commission accumulée de toutes les lettres précédentes. L’intérêt était de 5 pour 100 par an, et la commission n’était jamais moins du 1/2 pour 100 pour chaque traite. La commission étant répétée plus de six fois par an, tout l’argent qu’a pu faire A par cet expédient lui doit nécessairement avoir coûté plus de 8 pour 100 par an, et quelquefois bien davantage, soit quand le prix de la commission s’est élevé, soit quand il a été obligé de payer l’intérêt de l’intérêt et de la commission des premières lettres de change. On appela cette manœuvre faire de l’argent par circulation[1].

Dans un pays où les profits ordinaires des capitaux, dans la majeure partie des affaires de commerce, sont censés rouler entre 6 et 10 pour 100, il faudrait une spéculation bien extraordinairement heureuse pour que ses rentrées pussent suffire, non-seulement à rembourser les frais énormes auxquels on avait emprunté les fonds pour la faire aller, mais à fournir encore un excédent pour le profit du spéculateur. Cependant beaucoup de projets très-vastes et très-étendus furent entrepris et suivis pendant plusieurs années, sans autres fonds pour les soutenir que ceux qu’on s’était procurés à de si gros frais. Sans doute

  1. M. H. Thomton a montré, dans son Essay on paper credit, p. 34, que le docteur Smith a exagéré les frais qu’un négociant encourt en se procurant de l’argent par circulation. Selon lui, les transactions opérées au moyen de billets artificiels se font à l’avantage des deux parties. Quand A tire sur B il lui paye une commission ; mais lorsque B devient le tireur, c’est A qui reçoit la commission. On peut supposer qu’ils reçoivent autant qu’ils donnent sous forme de commission, et selon M. Thornton, il n’en coûte que l’escompte à payer pour convertir ces billets en argent, non compris les frais de timbre.
    Mac Culloch.