Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/523

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l’un de la première de ces deux manières, l’autre de la seconde, la magnificence de celui dont la dépense aurait consisté surtout en choses durables, irait continuellement en augmentant, parce que la dépense de chaque jour contribuerait en quelque chose à rehausser et à agrandir l’effet de la dépense du jour suivant ; la magnificence de l’autre, au contraire, ne serait pas plus grande à la fin de sa carrière qu’au commencement. Le premier se trouverait aussi, à la fin, le plus riche des deux. Il se trouverait avoir un fonds de richesses d’une espèce ou d’une autre, qui, sans valoir ce qu’elles auraient coûté, ne laisseraient pas cependant de valoir toujours beaucoup. De la dépense de l’autre, il ne resterait ni indices ni vestiges quelconques, et l’effet de dix ou de vingt ans de profusion serait aussi complètement anéanti que si elles n’eussent jamais eu lieu.

Si l’une de ces deux manières de dépenser est plus favorable que l’autre à l’opulence de l’individu, elle l’est pareillement à celle du pays. Les maisons, les meubles, les vêtements du riche, au bout de quelque temps, servent aux classes moyennes ou inférieures du peuple. Celles-ci sont à même de les acheter quand la classe supérieure est lasse de s’en servir ; quand cette manière de dépenser devient générale parmi les gens de haute fortune, la masse du peuple se trouve successivement mieux fournie de tous les genres de commodités. Il n’est pas rare de voir, dans les pays qui ont été longtemps riches, les classes inférieures du peuple en possession de logements et de meubles encore bons et entiers, qui n’auraient jamais été ni construits ni fabriqués pour l’usage de ceux qui les possèdent. Ce qui était autrefois un château de la famille de Seymour est à présent une auberge sur la route de Bath. Le lit de noces de Jacques Ier, roi d’Angleterre, qui lui fut apporté de Danemark par la reine son épouse, comme un présent digne d’être offert à un souverain par un autre souverain, servait d’ornement, il y a quelques années, dans un cabaret à bière de Dumferline. Dans quelques anciennes villes, dont l’état a été longtemps stationnaire ou a été quelque peu en déclinant, vous trouverez quelquefois à peine une seule maison qui ait pu être bâtie pour l’espèce de gens qui l’habitent. Si vous entrez aussi dans ces maisons, vous y trouverez encore fort souvent d’excellents meubles, quoique de forme antique, mais très-bons pour le service, et qui n’ont pas été faits pour ceux qui s’en servent. De superbes palais, de magnifiques maisons de campagne, de grandes bibliothèques, de riches collections de statues,