Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/599

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leurs revenus à faire vivre des marchands et des ouvriers, il peut bien se faire que tous ces propriétaires, pris collectivement, fassent vivre un aussi grand nombre et peut-être même, à cause du gaspillage qui accompagne une hospitalité rustique, un bien plus grand nombre de gens qu’auparavant. Néanmoins, pris séparément, chacun de ces propriétaires ne contribue souvent que pour une très-petite part à la subsistance d’un individu quelconque de ce grand nombre. Chaque marchand ou ouvrier tire sa subsistance de l’occupation que lui donnent, non pas une seule, mais cent ou mille pratiques différentes. Ainsi, quoiqu’à un certain point il leur ait à toutes ensemble obligation de sa subsistance, il n’est néanmoins dans la dépendance absolue d’aucune d’elles.

La dépense personnelle des grands propriétaires s’étant successivement augmentée par ce moyen, il leur fut impossible de ne pas aussi diminuer successivement le nombre des gens de leur suite, jusqu’à finir par la réformer tout entière. La même cause les amena, aussi par degrés, à congédier toute la partie inutile de leurs tenanciers. On étendit les fermes et, malgré les plaintes que firent les cultivateurs sur la dépopulation des terres, ils furent réduits au nombre purement nécessaire pour cultiver, selon l’état imparfait de culture et d’amélioration où étaient les terres dans ce temps-là. Le propriétaire, en écartant ainsi toutes les bouches inutiles, et en exigeant du fermier toute la valeur de la ferme, obtint un plus grand superflu, ou, ce qui est la même chose, le prix d’un plus grand superflu ; et ce prix, les marchands et manufacturiers lui fournirent bientôt les moyens de le dépenser sur sa personne, de la même manière qu’il avait déjà dépensé le reste. La même cause agissant toujours, il chercha à faire monter ses revenus au-dessus de ce que ces terres, dans l’état où était leur culture, pouvaient lui rapporter. Ses fermiers ne purent s’accorder avec lui là-dessus, qu’à la seule condition d’être assurés de leur possession pendant un terme d’années assez long pour avoir le temps de recouvrer, avec profit, tout ce qu’ils pourraient placer sur la terre en améliorations nouvelles. La vanité dépensière du propriétaire le fit souscrire à cette condition, et de là l’origine des longs baux.

Un tenancier, même un tenancier à volonté, qui paye de la terre tout ce qu’elle vaut, n’est pas absolument sous la dépendance du propriétaire. Les gains que ces deux personnes font l’une avec l’autre sont égaux et réciproques, et un pareil tenancier n’ira exposer ni sa vie ni sa fortune au service du propriétaire. Si le tenancier a un bail à long