Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/86

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primé au blé une valeur réelle à laquelle ne peuvent rien changer les révolutions quelconques de son prix en argent… Par tout le monde, en général, la valeur d’une mesure de blé est égale à la quantité de travail qu’elle peut faire subsister, et, dans chaque lieu du monde en particulier, cette valeur est égale à la quantité de travail auquel la mesure de blé peut fournir une subsistance telle que le travail a coutume de la recevoir dans ce lieu. »

Cette proposition, d’une évidence frappante, a été contestée par M. Malthus dans son Essai sur le principe de population, dans lequel il paraît croire que la valeur réelle du blé augmente avec le renchérissement en argent occasionné par une prime à l’exportation. On s’est servi souvent de quelques-uns des principes même de Smith pour attaquer sa doctrine, faute de les avoir bien compris.

L’argent, a-t-il dit, quand il est venu au marché, y représente tout le travail qu’il en a coûté pour l’extraire de la mine, le préparer et le transporter ; il doit donc commander toute la quantité de travail qu’il représente. Mais représenter du travail, c’est aussi représenter la quantité de subsistance qui alimente ce travail. C’est par représentation des subsistances consommées pour le travail d’extraction, affinage et transport, que l’argent a le pouvoir de commander une quantité égale de travail, car on n’alimente pas le travail avec de l’argent, à moins que préalablement on ne convertisse cet argent en vivres et denrées. Ainsi la subsistance commande le travail directement et non par représentation. Il importe donc peu que par un règlement ou un édit qui crée une prime à l’exportation, le quintal de blé se paye, au cours du marché, 11 fr. au lieu de 10 fr. qu’il eût valu sans cela, ce quintal ne commandera pas un quart d’heure de travail de plus. Il en est d’un surhaussement factice dans le prix pécuniaire du blé comme d’un surhaussement dans la dénomination des monnaies, qui ne change rien à leur valeur réelle.

Lorsque la première édition de cette traduction fut publiée, il y a vingt ans, le livre de la Richesse des nations était l’objet de l’admiration générale, et, dans chaque pays, on ne songeait qu’à le naturaliser chez soi. Aujourd’hui il semble qu’il est du devoir d’un traducteur de répondre à toutes les critiques qui se sont, depuis quelque temps, élevées de toutes parts contre la doctrine de l’illustre philosophe d’Édimbourg. C’est ce que je me suis spécialement proposé de faire, à mesure que le texte m’en offrira l’occasion, dans les notes